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Channel: Regard sur la pêche et l'aquaculture "Aquablog"
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Dans l'UE, la pêche minotière a encore de beaux jours devant elle !

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Pêcherie minotière au large du port péruvien de Chimbote 
(Le Pérou produit en moyenne 30% de la production mondiale de farine de poisson (exportée principalement en Chine) et d'huile de poisson (exportée principalement au Danemark)

L'observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture (EUMOFA) a publié fin 2017 une analyse très détaillée sur la pêche minotière dans l'Union Européenne. Ce dossier met la lumière sur cette pêcherie peu médiatisée mais qui pèse certaines années plus du quart des captures de l'Union Européenne sur sa façade Atlantique. (1)

Contrairement à une idée reçue, le poids de la pêche minotière ne diminue pas dans l'Union Européenne. Depuis la fin des années 1990, la pêche minotière représente selon les années entre 20% et 25% des captures de l'UE en Atlantique Nord Est (ANE). Les espèces les plus importantes pour la production de farine de poisson et d’huile de poisson sont le sprat, le hareng et le merlan bleu. Le principal État membre concerné par cette pêcherie est le Danemark qui représente près de 80% du total des débarquements minotiers de l’UE. Au fil des années, ce pays est même devenu le chef de file de la pêche minotière en Europe devant la Norvège et l'Islande, plaçant l'Atlantique Nord-Est à la troisième place des zones de pêche minotière dans le monde après le Pacifique SE (Pérou et Chili) et le Pacifique NO (Chine et Japon) (2). Par ailleurs, le Danemark est un acteur majeur du commerce mondial de l'huile de poisson, ingrédient primordial de l'aliment des saumons...



Entre 20 et 26% des captures de l'UE à la farine

Les quotas de captures fixés pour les espèces destinées à la pêche minotière varient fortement d’une année sur l’autre. En 2016, le total des débarquements de la pêche minotière dans l'UE a atteint 786.000 tonnes, soit une baisse de 24 % par rapport à 2015 (1,04 million de tonnes pour des captures totales de 3,93 millions de tonnes en Atlantique NE) (3). Ces volumes correspondent respectivement à 20% et 26% des captures totales de l'UE en Atlantique Nord-Est.

De 2016 à 2017, les quotas de lançon et de merlan bleu ont connu une forte progression, respectivement + 459 % et + 85 % ! Avec de tels écarts annuels, aucune industrie classique de transformation, conserverie ou congélation de poisson pour l'alimentation humaine, ne survivrait... Par contre, l'industrie minotière danoise a appris à « surfer » sur des quotas de pêche tantôt à la hausse tantôt à la baisse, dans un panel d'espèces de petits pélagiques destinées à la fois à l'alimentation humaine et à la fabrication de farine et d'huile de poisson... En 2016, la flotte minotière danoise a débarqué 615.000 tonnes, soit environ 78% du total des débarquements de l’UE. Outre la flotte danoise, les flottes suédoise et finlandaise complètent à hauteur respectivement de 80.000 tonnes et 79.000 tonnes chacune les captures minotières dans l'UE.

Diminution de la pêche minotière dans l'UE ? En volume, les captures pour la pêche minotière se situaient à 1,5 million de tonnes sur la période 1998-2002. Une baisse des captures depuis... Cependant, la part de la pêche minotière est restée stable dans l'Union Européenne depuis la fin des années 1990, dans des proportions qui la positionnent dans la moyenne mondiale estimée à 20% ! (4)

Sprat, hareng et merlan bleu à la farine !

Les espèces les plus importantes pour la production de farine de poisson et d’huile de poisson dans l'Union européenne sont le sprat, le hareng, le merlan bleu, le lançon, le tacaud norvégien, le capelan et le sanglier.

En 2016, le total des débarquements de l’UE de sprat a atteint 491.000 tonnes. Environ 358.000 tonnes (soit 73 %) ont été débarquées pour l'industrie minotière, le reste étant destiné à la consommation humaine. Au total, 183.000 tonnes de hareng de l'Atlantique ont été débarquées pour les filières de la farine de poisson et de l’huile de poisson, soit environ 25 % du total des débarquements de hareng de l'Atlantique dans l’UE. En 2016, le total des débarquements de l’UE de merlan bleu ont atteint 310.00 tonnes, dont environ 50 % étaient utilisés pour la réduction en farine et huile de poisson. Chaque année, entre 1.000 et 5.000 tonnes de lançon sont utilisées pour la consommation humaine, tandis que 100 % des captures de sanglier partent à la farine de poisson et à l’huile de poisson. Pendant les années bénéficiant d’un quota élevé, le capelan est également un « poisson-fourrage » (5) important pour les producteurs de farine de poisson et d’huile de poisson, mais surtout pour d’autres pays européens, notamment l’Islande et la Norvège.



Le Danemark, plaque tournante mondiale de l'huile de poisson

L’UE produit environ 500.000 tonnes de farine de poisson et 120.000 tonnes d’huile de poisson chaque année. Pour atteindre ces chiffres, la pêche minotière ne suffit pas (6). L'UE doit compter sur les rejets de l'industrie halio-alimentaire... (7)

« Outre la pêche, les filières filetage / transformation pour la consommation humaine sont d’autres ressources importantes pour la fabrication de la farine et de l'huile de poisson. La tendance globale est d’utiliser moins de matière première provenant des captures. Cette situation est le fruit d’une demande accrue des marchés de consommation et de règlements plus stricts entraînant une plus grande utilisation de la matière première provenant de la filière filetage, notamment les chutes de parage recyclées. Pour la majeure partie des espèces de poisson, le rendement du filet varie entre 30% et 65% du poids du poisson et les découpes représentent une ressource appréciée des producteurs de farine et d’huile de poisson. »

Le Danemark est le plus grand pays producteur mais aussi le plus grand exportateur de farine de poisson et d’huile de poisson dans l'UE. Ces deux produits bénéficient d’une forte demande car ils sont utilisés comme ingrédient dans les aliments destinés aux élevages de poissons dans l'Union européenne et en Norvège.

Avec une production de saumon et de truite qui atteint 1,3 million de tonnes par an, la Norvège est le plus gros marché de farine de poisson en Europe (environ 353.000 tonnes par an) et le plus gros consommateur d'huile de poisson dans le monde (environ 220.000 tonnes par an). En 2016, les exportations communautaires de farine de poisson et d’huile de poisson vers la Norvège ont totalisé respectivement, 119.000 et 114.000 tonnes. Bien que la Norvège soit aussi un grand pays de la pêche minotière, ce pays absorbe 65% de la farine de poisson et 90% de l’huile de poisson exportées par l'UE. La farine de poisson et surtout l’huile de poisson sont des ingrédients fondamentaux dans l’alimentation du saumon pour l’industrie aquacole norvégienne.

Etant donné la forte progression de l'aquaculture dans le monde, la question de l'approvisionnement en farine et en huile de poisson s'est posée dès le début des années 2000, avec l'annonce d'une pénurie en huile de poisson au tournant des années 2010. « Pour les fabricants d’aliments pour poissons, la question ne se pose même pas, il faut trouver une solution », expliquait dans les années 2000 Jørgen Holm, nutritionniste chez BioMar, l'un des principaux producteurs d’aliments pour poissons installé à Brande, au Danemark (8). Les entreprises d’aliments pour poissons cherchent donc d’autres sources de protéines et surtout d’autres matières premières pour la fabrication d'huile de poisson. Si la substitution des farines de poisson par des protéines végétales comme les concentrés de protéines de soja est en bonne voie comme l'annonçait en 2014, le centre de recherche norvégien Nofima (9). Par contre, la substitution de l'huile de poisson par des huiles végétales se révèle beaucoup plus problématique.

Face à la pénurie annoncée, plusieurs pays européens et tout particulièrement le Danemark, pays très impliqué dans la fabrication d'aliments aquacoles, ont fait main basse sur le commerce d'huile de poisson. Au fil des années, le Danemark est devenu un négociant majeur dans le commerce mondial de l'huile de poisson, s'approvisionnant principalement au Pérou où le Danemark est le premier client pour l'huile de poisson (La Chine pour la farine de poisson), pour ensuite réexporter en grande partie cet ingrédient essentiel à l'aliment piscicole dans les pays aquacoles de l'UE et en Norvège... (1)(10)

Philippe Favrelière

(1) Pêche dans l'UE destinée aux produits à usage non alimentaire
Faits saillants du mois N°10/2017 - Eumofa

(2) La façade atlantique de l'Europe (Atlantique Nord Est) est la troisième zone de pêche minotière dans le monde après le Pacifique SE (Pérou et Chili) et le Pacifique NO (Chine et Japon)
Fishmeal and fish oil : facts and figures – Seafish December 2016

(3) En 2015, les débarquements de la pêche minotière se sont élevées à 1,04 million de tonnes dans l'Union Européenne pour des captures totales de 3,93 millions de tonnes en Atlantique Nord Est ou de 5,11 millions de tonnes toutes zones confondues... soit une part de la pêche minotière à hauteur de 26% ou 20% !
Statistiques sur la pêche dans l'UE (Eurostat)

(4) Une étude publiée par le parlement européen en 2004 portant sur les années 1998-2002, « The fishmeal and Fish oil industry – Its role in the common fisheries policy », montre que 21% des débarquements de l’Union Européenne sont transformés directement en farine et en huile de poisson, soit près de 1,5 millions de tonnes sur un total de captures de 7,29 millions de tonnes annuelles. Avec plus d’un million de tonnes, le Danemark représente 69% des activités minotières de l’Union Européenne, suivi de loin par la Suède (19%), la Finlande (5%), le Royaume-Uni (3%), l’Irlande (3%) et la Pologne (2%).

(5) « Poisson-fourrage » : La pêche dite minotière, par opposition à la pêche alimentaire, est spécialisée dans la capture d’espèces transformées en farines, en huiles par les usines de réduction. On l’appelle aussi « pêche à finalité industrielle » (Carré, 2006). La pêche minotière se pratique avec des filets à petites mailles qui capturent de grandes quantités de poissons, principalement de petits pélagiques... Les produits transformés sont ensuite utilisés par l’aquaculture (salmonidés, crustacés) et les élevages hors-sol. C’est pourquoi les prises de la pêche minotière sont appelées « poissons-fourrages ». http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/peche-minotiere

(6) Industrie de réduction : Cent kilos de poisson peuvent produire entre 20 et 22 kilos de farine de poisson et entre 2 et 6 kilos d’huile de poisson pendant le processus de production. Le rendement de l’huile dépend de la teneur en matière grasse du poisson, qui varie d’une espèce à l’autre. Le sprat et le lançon sont plus gras que le merlan bleu et donc produisent plus d’huile pendant le processus de production. Le volume de farine de poisson ne varie pas de la même façon. (d'après FAO) http://www.fao.org/docrep/003/x6899e/x6899e04.htm

(7) Le dossier de l'Observatoire Européen des Marchés des Produits de la Pêche et de l'Aquaculture (EUMOFA) ne fait aucune allusion sur l'incidence du nouveau règlement communautaire « rejet zéro » dans la production de farine et d'huile de poisson !
(8) Aquaculture. Un régime végétarien pour les saumons d'élevage

(9) Plus de 70% de matière végétale dans l'aliment saumon
En 2013, les matières premières marines représentaient pour la première fois moins de 30% de l'alimentation du saumon d'élevage norvégien, indique un rapport.
En 1990, environ 90% de l'alimentation du saumon d'élevage norvégien provenait de matières premières marines. Le chiffre correspondant en 2013 était de 29,2%. Cela a entraîné une réduction de 15% de la teneur en ingrédients marins entre 2010 et 2013. Les matières premières marines peuvent être résumées comme étant l'huile de poisson, la farine de poisson et la farine de krill. 72% de ces matières premières proviennent directement de la pêche, le reste provenant des déchets et des sous-produits de l'industrie halio-alimentaire.
Parmi les matières premières végétales, le concentré de protéines de soja et l'huile de colza sont les ingrédients dominants. Une plus grande proportion de protéines dans les aliments provient désormais du concentré de protéines de soja que de la farine de poisson. Parmi les huiles pures contenues dans les aliments pour poissons, 19,2% proviennent d'huiles végétales et 10,9% d'huile de poisson.
Have exceeded 70 per cent plant material in salmon feed

(10) Le Danemark est le premier pays importateur d'huile de poisson du Pérou
Peru : Anuario estadistico pesquero y acuicola 2015
http://www.produce.gob.pe/documentos/estadisticas/anuarios/anuario-estadistico-pesca-2015.pdf

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