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Channel: Regard sur la pêche et l'aquaculture "Aquablog"
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Quand le RMD à marche forcée devient dramatique pour les pêcheurs !

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Quand le Rendement Maximum Durable (RMD) à marche forcée devient dramatique pour les pêcheurs ! (*)

Alors que le stock n'est pas dans un état catastrophique...

Sole : la baisse de Tac est limitée

Le traditionnel Conseil des ministres européens qui se tient chaque année à Bruxelles, mi-décembre, autour des Tac et quotas était à hauts risques pour 2016, pour deux espèces phare de la pêche française. La filière du bar y a effectivement laissé des écailles, mais celle de la sole a évité le pire.

Alain Vidalies, secrétaire d’État français chargé de la pêche, en avait fait un sujet majeur. Le Ciem (Conseil international pour l'exploration de la mer) préconisait -37 % dans le golfe de Gascogne et -32 % en Manche-est pour atteindre les objectifs de RMD (rendement maximal durable) dès 2016. Un coup dur pour une large flottille diversifiée qui aurait pu fondre immédiatement.

Au final, ces chiffres n’ont pas été suivis,...

Suite sur PDM

Sinon des explications de Gérard Blais de l'Ifremer dans le très bon article de Solène Le Roux (Le Marin du 15 janvier 2016) : Le recrutement en jeunes soles fait le yo-yo

Gérard Blais explique que les propositions du Ciem étaient exagérées étant donné que les stocks de sole ne sont pas dans un état catastrophique... Alors que la coupe d'un tiers aurait été une catastrophe pour les pêcheurs...

(*) Et tout particulièrement les pêcheurs côtiers comme ceux de Noirmoutier :

Place forte du poisson plat, la criée de l'Herbaudière réalise plus de 30 % de son chiffre d'affaires avec les apports de sole. Spécialisée dans les poissons nobles, la halle à marée finit à 1 859 tonnes pour 12,4 millions d'€ de chiffre d'affaires. Soit 3 % de mieux en valeurs pour des apports stables. Le poisson s'est négocié en moyenne à 6,67 € (+3 %) le kilo. Un prix moyen dopé par des espèces comme la sole.


Quand le RMD à marche forcée devient dramatique pour les pêcheurs ! (*)Alors que le stock n'est pas dans un état...



"La mer est notre futur"

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Galice (*) : 30 000 pêcheurs et conchyliculteurs dans les rues de Saint-Jacques-de-Compostelle le samedi 27 février 2016

"La mer est notre futur", "Non à la loi sur l'aquaculture", "La mer n'est pas à vendre", "Des moules, pas de saumon !", pouvait-on lire sur des banderoles...

"Le projet de loi sur l'aquaculture, est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase..." a déclaré Xocas Rubido, porte-parole de la Plate-forme pour la défense de la Ria de Arousa. "Notre mer a été abandonnée depuis de nombreuses années : la pêche artisanale, la conchyliculture, ... notre secteur productif traditionnel sont ici pour exiger un changement de direction des autorités..." a-t-il souligné.

Il a également souligné que le ministre régional de la Mer, Rosa Quintana, "est actuellement totalement discrédité": "et de demander officiellement sa démission."

(*) La Galice (Espagne) est la plus grande région halieutique de l'Union Européenne en termes d'emplois, de production et de transformation dans la filière pêche/conchyliculture/aquaculture

Plus d'informations dans El Correo Gallego : http://www.elcorreogallego.es/galicia/ecg/miles-marineros-protestan-santiago-defender-un-mar-ven-olvidado/idEdicion-2016-02-27/idNoticia-982763/


Galice : 30 000 pêcheurs et conchyliculteurs dans la rue !"La mer est notre futur", "Non à la loi sur l'aquaculture", ...
Posté par Regard sur la Pêche et Aquaculture sur dimanche 28 février 2016

Civelles de contrebande, première espèce halieutique d'exportation !

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Selon Sustainable Eel Group (SEG), près de 30 tonnes de civelles seraient exportées illégalement vers le marché asiatique. Soit une valeur estimée à près de 100 millions US$ ! (*) Ce qui fait de la civelle de contrebande, le premier produit de la mer exporté par la France !

(*) Plus de 3000 US$ le kilo ! Prix de la civelle à la hausse sur le marché international : Expectations high for 2016 elver catch, prices
http://bangordailynews.com/2016/03/19/business/expectations-high-for-2016-elver-catch-prices/

Sustainable Eel Group (SEG): http://www.sustainableeelgroup.org/






Aquablog fait peau neuve et reprend après une longue pose (relookage en cours)

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Après une coupure de deux années, Aquablog va reprendre son rythme de croisière dès septembre prochain...

Sortir de Facebook, et écrire deux à trois articles chaque semaine... Réactions en liaison avec l'actualité halieutique, pêche, conchyliculture et aquaculture... 

La page Facebook continuera la revue de presse !

A bientôt

Le fipronil a un goût de sauce tex-mex

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Interview de notre envoyé spécial Z.

Les grandes découvertes sont parfois fortuites comme peut en témoigner monsieur Amédée Germain, éleveur de volaille et producteur d’œufs dans les Hauts de France.
«Je me suis énervé, et c’est d'abord parti en eau de boudin. Le vendeur m’avait dit que le produit contre les parasites était inoffensif...
-Et vous avez découvert que c’était du Fipronil...
-C’est ça. Je venais juste d’en pulvériser quelques dizaines de litres sur mes cocottes. Et puis j'ai réalisé que toute ma production d'œufs était foutue. J’ai donné des coups de pieds sur mon tracteur... j’étais tellement en colère que j’ai faussé le capot. Et figurez-vous que le bout de mes chaussures de sécurité étaient à vif et que du métal se sont mises à jaillir des étincelles qui se sont envolées sur une des poules... elle s’est enflammée tout à coup ! Pire que de l’alcool à brûler cette mixture ! L’animal en feu s’est réfugié dans le hangar et là, tout a flambé ! Un véritable brasier en quelques minutes.
-Qu’avez vous fait à ce moment là ?
-Je me suis dis que c’était effectivement bien redoutable contre les poux.
-Vous avez appelé les pompiers ?
-C'était fini quand ils sont arrivés. Mes poulets étaient tous grillés, les pattes en l’air, le croupion carbonisé, mieux que dans une rôtissoire. Mais encore, la fumée embaumait d’une odeur délicieuse... ça sentait bon ! Alors on a goûté. C’était pas mauvais, goûtu même, avec un parfum de sauce tex-mex. Je suis allé présenter le plat au complexe de restauration rapide d’à côté. Ils m’ont acheté tout mon stock pour alimenter leurs chaînes dans la région. Des Wings tex-mex qu’ils appellent ça. C’est un succès !
-Vous êtes un entrepreneur heureux, donc.
-Vous pensez, j’ai déjà plusieurs commandes de Fipronil et de volailles et je pense acheter des veaux, des porcs et des moutons dans l’avenir... cependant, la recette doit rester secrète...
- Merci, de votre témoignage, monsieur Germain. Au moins une histoire qui commence par une calamité mais qui se termine comme un conte de fée"

Ourangan Irma : Avec Windy, carte des vents en temps réel !

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https://www.windy.com/?46.167,-1.150,5

Au centre, Ouragan Irma après son passage dévastateur sur les îles de Saint Barth et Saint Martin le 6 septembre 2017 ( Cliquer sur la carte)

Voir toutes les cartes (marine et autres) sur la page : Carte marine

En 2048, il n'y aura plus de poisson dans les océans !

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Plus de poissons ou plus de poisson ?

 Alors que l'offre mondiale explose, les mers continuent de se vider. Le poisson va finir par disparaître ?

---- 2006 : Des océans «à sec» en 2048 ?

Les mises en garde contre le déclin de la biodiversité des océans se multiplient depuis plusieurs années, de la part de scientifiques ou d’organisations de protection de la nature. Une équipe a tenté de quantifier les effets de cette perte de biodiversité sur les écosystèmes marins et les ‘’services’’ qu’ils rendent, comme celui de fournir de la nourriture ou de protéger les côtes.

Le message de Boris Worm (Dalhousie University, Canada) et de ses collègues, publié aujourd’hui dans Science, est très pessimiste mais laisse aux hommes une chance de se rattraper. Le déclin de la biodiversité s’accélère et à ce rythme il n’y aura presque plus d’espèces de poissons ou de fruits de mer à consommer en 2048. A l’heure actuelle, 29% de ces espèces se sont effondrées, autrement dit leurs prises ont chuté de 90%...

Science et Avenir le 2 novembre 2006

En extrapolant, les océans seront vides de poisson en 2048 !
Illustration réalisée à partir de :
* de la publication de Boris Worm dans Science le 3 novembre 2006
Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services
Boris Worm, Edward B. Barbier, Nicola Beaumont, J. Emmett Duffy, Carl Folke, Benjamin S. Halpern, Jeremy B. C. Jackson, Heike K. Lotze1, Fiorenza Micheli, Stephen R. Palumbi, Enric Sala, Kimberley A. Selkoe, John J. Stachowicz, Reg Watson 
http://science.sciencemag.org/content/314/5800/787 
A télécharger Ici : http://www.ecocean.fr/wp-content/uploads/Ecocean-Restauration-Ecologique-Article-Worm-2006-en.pdf 
* de l'article de Charles Clover dans The Telegraph, le 3 novembre 2006
All seafood will run out in 2050, say scientists
If the rate of over-fishing continues, the world's currently fished seafoods will have reached what is defined as collapse by 2048 
http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1533125/All-seafood-will-run-out-in-2050-say-scientists.html

---- 2012 : WWF met en ligne sa vidéo "2048 : une mer déserte"

A l’heure actuelle, il ne reste que 10% des stocks de poissons qui existaient en 1950. Si rien n'est fait pour résorber ce phénomène, des chercheurs estiment que le déclin actuel amènerait à un épuisement total des stocks d'ici 2048. Dans le cadre des actions menées autour de la réforme de la Politique Commune des Pêches, une vidéo intitulée "2048 : une mer déserte" et réalisée par Natacha Bigan, a été mise en ligne par l’association écologiste WWF afin de présenter, de façon ludique, un exposé de la situation globale de la pêche de nos jours.



Maxiscience, le 24 janvier 2012

---- 2017 : 2048, la fin des sushis ?

En janvier 2017, Robert Calcagno, Directeur général de l'Institut océanographique, donnait une interview au site Atlantico sur la situation du poisson dans un contexte de surpêche...

Selon une étude du WWF, si rien n'est fait pour contrecarrer le phénomène de la surpêche, d'ici 2048, tous les stocks de poissons pourraient s'effondrer. Un changement irréversible à moins de changer drastiquement l'exploitation que l'on fait de la faune océanique. Quelles seraient les conséquences de cette catastrophe écologique, mais aussi climatique, et comment cela se manifesterait dans notre quotidien ?

La disparition des poissons, ou en tout cas de certains poissons, n’est malheureusement pas le scénario d’un film catastrophe, mais une triste réalité ! La surpêche est un long processus qui s’est propagé à travers le monde. Le Prince Albert Ier de Monaco s’inquiétait déjà en 1921 des ravages des premiers chalutiers à vapeur le long des côtes européennes et craignait que des milliers de pêcheurs ne se retrouvent sans emploi. Daniel Pauly, l’un des plus grands spécialistes mondiaux des pêches, à qui nous avons d’ailleurs décerné en novembre dernier la Grande Médaille Albert Ier, a montré comment la pêche s’est intensifiée à travers le monde au-delà du raisonnable...

Institut Océanographique de Monaco en 2017

---- 2025 : 2048, l'année du dernier poisson ?

Sans mesures drastiques de protection de la faune, les espèces comestibles auront disparu d’ici vingt-trois ans...

Selon une étude de l'Institut Océanographique de Monaco, si rien n'est fait pour contrecarrer le phénomène de la surpêche, d'ici 2048, tous les stocks de poissons pourraient s'effondrer. Un changement irréversible à moins de changer drastiquement l'exploitation que l'on fait de la faune océanique....

---- Observations de Comité national des pêches

En 2048, il n’y aura plus de poisson dans les océans... Faux


 En 2048, plus de poisson ? Et en l’an 2000, la fin du monde  ?

Il faut se méfier de certaines interprétations tirées de publications scientifiques, certains n’en retiennent que l’aspect spectaculaire, pour mieux servir leurs intérêts.

Ainsi, la date 2048 provient d’une publication de Boris Worm parue en 2006, dans la revue scientifique reconnue, Science. Boris Worm et son équipe y abordaient l’impact de la perte de biodiversité sur les services écosystémiques des océans.

De toute la publication, c’est un graphique, illustrant l’effondrement des stocks commerciaux en 2048 si on se basait sur les tendances actuelles de l’accélération de la perte de biodiversité, qui a retenu l’attention de certains journalistes. Ils n’ont pas mis en perspective ce graphique par rapport au reste de l’étude et en ont fait un résumé simpliste : « en 2048, il n’y aura plus de poisson ».

En raison de cette envolée médiatique fausse, Boris Worm a souhaité que son nom soit supprimé des communiqués de presse.

Depuis d’autres études scientifiques ont remis en cause la prédiction.

Le chercheur Niels Daan, de l’institut gouvernemental de recherche halieutique néerlandais (Netherlands Institute for Fisheries Research) et son équipe, en 2011, expliquent notamment qu’utiliser les données de capture des pêcheries pour évaluer la biomasse d’un stock n’est pas parole d’évangile. En effet, il est possible que, d’une année à l’autre, les pêcheurs aient capturé moins de poisson car leur quota a diminué, que le nombre de licences a été réduit ou encore qu’une forte pollution a contraint les poissons à migrer.

Ce n’est donc pas en utilisant le volume de poisson pêché qu’on aura une indication exacte de la quantité de poisson dans l’eau.

Ray Hilborn, de l’Université de Washington (School of Aquatic and Fishery Sciences), a fondé le groupe de travail « Finding Common Ground in Marine Conservation and Management » (trouver les bases communes de la conservation et de la gestion des mers), avec Boris Worm. Ce groupe scientifique étudie comment il est possible de faire cohabiter et converger les objectifs a priori divergents du monde de l’écologie marine, de l’halieutique et de la gestion des pêches.

Au cours d’une présentation filmée en mai 2014, Ray Hilborn passe en revue et analyse les différentes théories alarmistes portant sur l’état des stocks de poisson au niveau mondial et rétablit certaines vérités.

Soyez rassurés, les stocks de poisson ne seront pas tous effondrés en 2048…

Pour visionner l’exposé de Ray Hilborn (en anglais) : http://fisherynation.com/archives/26456

Remarque : Toutes les projections de la FAO/OCDE montrent un maintien voire une hausse des captures à la pêche au cours du XXIè Siècle...
"Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO" 2017-2026
http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/5117052e.pdf?expires=1507284687&id=id&accname=guest&checksum=40125C13F1805A11547FF224D9480AD3
http://www.oecd-ilibrary.org/fr/agriculture-and-food/perspectives-agricoles-de-l-ocde-et-de-la-fao-2017-2026_agr_outlook-2017-fr;jsessionid=oud9o0hbqow6.x-oecd-live-02

Le graphique du haut est tiré de l'article : Quel pays pêche le plus de poissons? La réponse en carte http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1025645/chine-production-aquaculture-ressources-alimentation?fromBeta=true

Blue lobby : L'avenir de la pisciculture marine en question ?

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Les importations de poissons d'élevage explosent en France... Alors que l'aquaculture marine a du mal à décoller dans notre pays, elle stagne depuis 20 ans !

Une analyse sur les liens aquaculture, pêche, ONGE et fonds privés (1)

Suite à la communication de l’ONG Bloom sur la pêche minotière (*), un « rapport d’étonnement », dont les auteurs travaillent pour l’État, pointe d’éventuels intérêts économiques derrière cette campagne d’influence de l’opinion publique.

L’implication de trusts caritatifs américains et de leurs relais français sur la question aquacole (2)

Le 14 février 2017, l’Organisation non gouvernementale environnementale (ONGE) française Bloom a pointé du doigt (via son site internet) la pêche minotière utilisée, entre autres, pour nourrir les poissons d’élevages marins. Cette information, qui a notamment été relayée par plusieurs grands médias français, nous permet de remettre en lumière certaines ONGE, des fondations caritatives Américaines et leurs intérêts sous-jacents dans leurs relations. Après cette campagne d’influence de l’opinion publique, il n’est pas à exclure une campagne d’influence sur le parlement Européen. En effet, Bloom souhaite que l’UE devienne un modèle en interdisant cette pratique. Depuis de nombreuses années l’image de la pisciculture marine en France est ternie par des attaques directes ou indirectes. Cette situation est d’autant plus paradoxale que ce secteur d’activité se démarque grâce à la valeur ajoutée et à la qualité environnementale de ses produits et que des solutions alternatives sont déjà utilisées pour diminuer cet apport de protéines issues de la pêche minotière. Cette étude a permis de remettre en lumière une réflexion relative à la création d’un portail français dédié à l’aquaculture, lequel permettrait, entre autres, de donner plus de transparence à un secteur souvent décrié. L’ensemble des acteurs économiques considère que l’aquaculture contribue à répondre aux besoins en nourriture d’une population sans cesse grandissante, qui représentera 9 milliards d’individus en 2050.
Il existe aujourd’hui des tensions informationnelles sur le marché des farines et huiles de poisson du fait de la croissance aquacole. Cette situation laisse le champ libre à des producteurs étrangers de poissons herbivores, sur le marché français. Notamment ceux cautionnés et financés par les ONGE telles que Greenpeace, WWF (label ASC) PEW Charity Trust, Bloom (OAK Foundation, Rockefeller Foundation etc.). L’industrie agroalimentaire américaine est donc en embuscade pour capter les marchés que nous abandonnons avec comme acteur principal le groupe Cargill.

Ce rapport dont il faut souligner la qualité et la précision, a été réalisé par Jean-Marc Montech et un second auteur qui ne souhaite pas être cité. Tous deux exercent au sein de l’appareil d’Etat et ont effectué en complément de leurs activités un cursus universitaire couronné par un master droit pour Jean-Marc Montech et un master recherche en management stratégique de l’information pour le second.

(1) Le Marin (29/03/2017) : Une analyse sur les liens aquaculture, pêche, ONGE et fonds privés

(2) L’implication de trusts caritatifs américains et de leurs relais français sur la question aquacole (20/03/2017)

Dossier à télécharger ici : L’implication de trusts caritatifs américains et de leurs relais français sur la question aquacole.
http://www.knowckers.org/wp-content/uploads/2017/03/rapport-etonnement-aqua-peche-onge-004.pdf

(*) Pêche minotière : "De la confiture aux cochons : L'envers du décor de l'aquaculture"
Comment la pêche industrielle réduit des poissons parfaitement comestibles en farines pour les élevages de poissons, de porcs et de volailles.
BLOOM a plongé dans le monde opaque de la « pêche minotière » qui capture les poissons situés en bas de la chaîne alimentaire — comme les sardines et les anchois — afin de les réduire en farines et en huile pour alimenter les poissons d’élevage, les porcs et les volailles, bien que 90% des poissons ciblés soient parfaitement comestibles par les humains....

Portes tournantes : Conflit d'intérêts au dépend de l'intérêt général européen !

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Maria Damanaki à la tribune de la COP21 à Paris (copie d'écran du film "Océans, la voix des invisibles")

L'embauche de l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, par la banque d’investissement Goldman Sachs, avait fait des vagues... Par contre, calme plat quand Maria Damanaki, ex-commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, est passée sous le pavillon de TNC, directrice générale mondiale des Océans de The Nature Conservancy, la plus grosse organisation non gouvernementale aux Etats-Unis.

Ces dernières années, de nombreux commissaires, eurodéputés et hauts fonctionnaires ont quitté les institutions de l’Union européenne pour aller occuper un poste dans le secteur privé. Ce phénomène est qualifié de « portes tournantes », et contribue à mettre Bruxelles encore plus sous l’emprise des entreprises, à l’éloigner des préoccupations des citoyens et négliger les intérêts du public.

Depuis vingt ans, l’organisation bruxelloise Corporate Europe Observatory s’est fait une spécialité de suivre à la trace et contester le pouvoir excessif des intérêts économiques dans les processus de prise de décision européens. Son guide Lobby Planet Bruxelles. Petit guide de la lobbycratie bruxelloise (1), dont la version française vient d'être publiée en partenariat avec l’Observatoire des multinationales, offre un tableau d’ensemble des principaux acteurs et des principaux enjeux du lobbying bruxellois. Qui confirme, de dossier en dossier, le poids de plus en plus massif des intérêts économiques organisés dans la marche de l’Union européenne.

Cachez tout but lucratif

Vous voulez masquer votre lobbying ? Vous ne souhaitez pas que les responsables politiques comprennent que vous ne cherchez qu’à vous enrichir lorsque vous leur présentez votre point de vue ? Alors créez une fausse association qui plaidera votre cause pour vous, ou mieux, persuadez une ONG de faire campagne en votre nom...

Portes tournantes complicités internes

Les grandes entreprises (y compris les grandes organisations non gouvernementales) recrutent activement dans les rangs des fonctionnaires de l’Union européenne pour redorer leur prestige, obtenir des contacts importants, augmenter leur influence et leur accès aux informations internes des institutions. Autant d’atouts indispensables dans leurs stratégies de lobbying. Ces dernières années, de nombreux commissaires, eurodéputés et hauts fonctionnaires ont quitté les institutions de l’Union européenne pour aller occuper un poste dans le secteur privé. Ce phénomène est qualifié de « portes tournantes », et contribue à mettre Bruxelles encore plus sous l’emprise des entreprises, à l’éloigner des préoccupations des citoyens et négliger les intérêts du public.

En 2017, plus d’un ancien commissaire sur trois ayant quitté la Commission européenne en 2014 était passé par une « porte tournante » en se mettant au service du secteur privé, la plupart du temps pour des activités de lobbying.

À ce jour, l’annonce qui a fait le plus de scandale est l’embauche de l’ancien président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, par la banque d’investissement Goldman Sachs, laquelle avait été au cœur de la crise financière de 2008 et poursuit aujourd’hui encore son lobbying contre le durcissement des régulations relatives à l’industrie financière. Cette nomination a mis sur le devant de la scène médiatique le problème des « portes tournantes » dans les institutions européennes. Corporate Europe Observatory estime qu’il faudrait étendre la période de carence de 18 mois à 5 ans au minimum pour les présidents de la Commission européenne (et à 3 ans au minimum pour les commissaires) pour toute activité liée directement ou indirectement au lobbying et tout autre emploi qui pourrait créer un conflit d’intérêts.

Chevauchement évident des activités de Maria Damanaki

Le cas de Maria Damanaki, commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche entre 2010 et 2014 n'est pas abordé dans le Petit guide de la lobbycratie bruxelloise, mais il a fait l'objet d'une note de Corporate Europe Observatory en janvier 2015 (4). Maria Damanaki a été aux commandes des affaires maritimes de l'Union Européenne pendant plus de quatre années jusqu'en octobre 2014, puis elle a été recrutée en décembre 2014 comme directrice générale mondiale des Océans par l'Onge étatsunienne, The Nature Conservancy (TNC). C'est la plus grosse organisation à but non lucratif américaine avec une capitalisation de 6,7 milliards de dollars en 2015 ! Cette organisation de protection de l'environnement entretient des liens très étroits avec les plus grandes multinationales (pétrolière, minière, chimique, télécommunication, agro-alimentaire, finance et bancaire,...) (2). Ce recrutement aussi rapide n'est pas anodin ! A la COP 21 à Paris, en novembre 2015, l'Océan est pris en compte pour la première fois dans les négociations internationales contre le changement climatique, Maria Damanaki y défendait les intérêts de The Nature Conservancy, notamment la création des aires marines protégées et les financements bleus (comme le montre le film de Mathilde Jounot « Océans, la voix des invisibles ») (3)

Selon l'expertise de Corporate Europe Observatory : « Il y a un chevauchement évident entre le travail de Damanaki alors qu'elle était commissaire maritime et son nouveau travail de responsable des océans à The Nature Conservancy. De tels emplois, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'organismes sans but lucratif, doivent faire l'objet d'un examen minutieux en vue d'éventuels conflits d'intérêts. Il est très décevant que la Commission n'ait pas adopté une approche plus ferme dans ce cas. La Commission aurait dû appliquer une interdiction de lobbying beaucoup plus longue et examiner sérieusement s'il était même approprié que Damanaki prenne un tel rôle qui est si étroitement associé à son portefeuille précédent. Même si Damanaki ne fait pas de lobbying direct auprès de la Commission pendant 18 mois, elle est clairement une personne très en vue et bien connectée et elle sera en mesure de fournir des conseils de plaidoyer substantiels à son nouvel employeur. Le risque de conflits d'intérêts possibles dans ce cas est aggravé par le fait que TNC est une ONG avec des liens très étroits avec les grandes entreprises mondiales. » (4)

Le Corporate Europe Observatory oeuvre, avec d’autres organisations de la société civile, dans le but d’obtenir une modification de la réglementation et un changement dans la culture des institutions européennes pour enfin bloquer ces « portes tournantes ». Ce qui implique d’amender le code de conduite de la Commission pour y inclure une période de carence de 3 ans pour les commissaires souhaitant s’engager dans des activités de lobbying (ou tout autre poste susceptible de provoquer un conflit d’intérêts) et de réorganiser complètement le comité d’éthique de la Commission.

De la même manière, le Parlement européen aurait besoin de revoir les règles applicables aux eurodéputés. Nous demandons également de faire modifier les réglementations relatives au personnel de l’Union européenne afin de mieux encadrer les « portes tournantes », en imposant une période de carence de deux ans pour les fonctionnaires.

Philippe Favrelière

(1) Petit guide de la lobbycratie à Bruxelles, à télécharger ici : https://multinationales.org/IMG/pdf/lobby_planet_-_fr.pdf

(2) The Nature Conservancy dans Wikipedia : https://en.wikipedia.org/wiki/The_Nature_Conservancy

(3) Le film « Océans, la voix des invisibles » réalisé par Mathilde Jounot (intervention de Maria Damanaki à la COP21 à partir13'40)

(4) Maria Damanaki

Voir aussi :
[Fil d'Actu spécial] Les portes tournantes : un conflit d'intérêt ?


« Ils sont passionnés, enragés parfois pour maintenir leur activité artisanale... »

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Captures d'écran du film "Un monde relationnel"

« Un panaché de couleurs pour que ton banc attire l'œil, qu'il donne envie à la personne d'en face de t'acheter quelque chose... C'est primordial, c'est la raison pourquoi l'on cible avec beaucoup d'engins différents... Nous on a aucun bateau chez nous qui travaille avec 5 km de filet de la même maille... On travaille tous avec 500m de filet pour le rouget, 500 m pour la saupe, 500 m pour les dorades, 1000m pour les merlus... » Denis Génovèse, prud’homme pêcheur d’Antibes

En Méditerranée française, les communautés de pêcheurs ont su maintenir la gestion de leur activité par des prud’homies de pêche qui trouvent leur origine aux 12ème - 15ème siècle, à une époque où la notion de « droits d’usage » remplaçait celle de droits de propriété et où la « communauté » primait sur « l’individu moderne ». Plutôt que de privilégier les unités les plus compétitives en milieu ouvert, ces prud’homies veillaient à ce que la communauté puisse évoluer dans son ensemble en laissant une place aux plus démunis dans un territoire relativement protégé. La dynamique collective prud’homale se fonde sur une logique de répartition à propos de composantes locales, celles auxquelles se réfère la communauté des pêcheurs : stocks, zones halieutiques, marchés de produits, réseaux professionnels,...

Un monde relationnel...



C’est l’histoire d’un pêcheur artisan dans son village. Il est stressé car il sent qu’un malaise général touche le village, certains perdent la mémoire, d’autres accumulent des biens et des richesses sans vouloir se projeter dans le futur. Il se dit qu’il faut trouver une solution, qu’il ne peut laisser ce monde-là à ses enfants…

Quand il est en mer, en lien avec la nature, il est dynamique, relativement heureux. On rentre progressivement dans son monde, organisé par la prud’homie qu’il dirige en tant que premier prud’homme. C’est une organisation collective qui a pour objectif de faire vivre, dans le temps, la communauté des pêcheurs... (Cette vidéo a été réalisée par L'Encre de Mer et Protis TV)

… Dans un contexte productiviste

Alors que les dynamiques relationnelles perdurent ou émergent, mettant en valeur la notion de « biens communs » et de « communautés », la dynamique productiviste a pris une ampleur planétaire en se fondant sur la privatisation et l’individualisme...

Le secteur des produits de la mer fait probablement partie des secteurs les plus mondialisés avec une demande toujours croissante, l’essor de la pêche et de l’aquaculture industrielles et la concentration des intermédiaires. Vendus en frais, et par l’entremise d’intermédiaires, les produits fortement périssables de la pêche sont habituellement mélangés, recomposés en lots en fonction des espèces, de leur qualité, de leur présentation et de leur destination. Sauf cas particuliers, il est impossible d’établir une traçabilité entre le pêcheur, le mode de capture et le destinataire. Les produits de la pêche artisanale se trouvent souvent mélangés avec ceux de la pêche industrielle et avec des produits d’importation. Ce n’est que récemment que la réglementation européenne a obligé à mentionner l’origine des produits (pêche ou élevage) ainsi que leur provenance géographique et l'engin de pêche.

Peu différenciée au niveau de la commercialisation, la pêche artisanale est souvent, au niveau de sa gestion, soumise à la même enseigne que la pêche industrielle et intensive, ce qui entraîne des situations de blocage, des problèmes de rentabilité et une fragilisation du secteur. Enfin, elle se trouve confrontée à un large mouvement d’accaparement des mers et des océans, par l’entremise de fondations, d’ONG et de firmes multinationales, qui limite ses perspectives d’avenir.

Renforcer le lien entre artisan-pêcheur et citoyen

Compte tenu de ses divers éléments, l’avenir de la pêche artisanale ne dépend plus des seules capacités de ce secteur à se mobiliser mais d’un mouvement plus large qui engloberait les citoyens. Restaurer un lien entre le consommateur et le pêcheur artisan permet à court terme de soutenir la valorisation de leurs apports halieutiques. Renforcer le lien entre pêcheur et citoyen est une condition nécessaire pour assurer la pérennité de cette activité.

Dans un rapport « Valorisation économique, environnementale, sociale et culturelle de la petite pêche méditerranéenne » (1), Elisabeth Tempier a recueilli les témoignages de six pêcheurs artisans (2), au sein des prud’homies de la région PACA... Un travail remarquable d'Elisabeth et des témoignages précieux qui permettent de voir comment pêcheurs et organisations professionnelles ont su maintenir et adapter des formes d’activité et d’administration spécifiques, quels sont leurs atouts et leurs difficultés actuelles.

« Ils sont passionnés, enragés parfois pour maintenir leur activité artisanale dans un contexte politique de plus en plus réfractaire à tout ce qui n’est pas directement lié aux multinationales, à la grande industrie et à leurs intérêts.... »

« Pourtant, nous, les citoyens, vivons à partir de notre territoire régional. C’est là que nous avons nos liens, nos attaches, nous savourons les produits du terroir, les paysages dessinés par l’activité des hommes et des femmes, nous y puisons notre oxygène, nos sources de loisirs et de travail parfois ; originaires ou non de ces « petits pays », nous nous ancrons dans leur culture, leur histoire… »

Philippe Favrelière à partir des deux articles d'Elisabeth Tempier de l'Encre de Mer :
Vidéo : « Un monde relationnel »
6 pêcheurs artisans de Méditerranée témoignent

(1) « Valorisation économique, environnementale, sociale et culturelle de la petite pêche méditerranéenne » à télécharger Ici
(2) Les six témoignages de pêcheurs artisans :
Jean-Michel Cei, prud’homme pêcheur de Sanary (Var)
Didier Ranc, prud’homme pêcheur de La Seyne sur mer – Saint-Mandrier (Var)
Denis Génovèse, prud’homme pêcheur d’Antibes, Juan les Pins, Golfe Juan (Alpes Maritimes)
Franck Roman, pêcheur de Saint-Chamas, Etang de Berre (Bouches du Rhône)
Benoît Perrin, pêcheur aux Salins d’Hyères (Var)
Gérard Carrodano, prud’homme de La Ciotat (Bouches du Rhône)

Révolution bleue en question : Il y a poisson et poisson ?

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Cette friture vaut mieux que ce beau poisson !

Manger plus de poisson n'est pas synonyme de se nourrir mieux !

Au Bangladesh, la population mange plus de poisson et pourtant elle se nourrit moins bien... C'est le constat de Jessica Bogard, nutritionniste en santé publique à l'Université du Queensland (Australie). Elle parle même d'une amplification de la malnutrition dans le pays alors que les bengalis consomment en moyenne 30% de poisson en plus... Pour elle, l'explication de la dégradation de la malnutrition dans ce pays où le poisson tient une très grande place dans la ration alimentaire, est à chercher du côté de la révolution bleue, l'explosion de l'aquaculture qu'a connu le pays ces 20 dernières années !

Au Bangladesh, les captures de la pêche ont diminué de 33% entre 1991 et 2010. Dans le même temps le pays s'est hissé au dixième rang des puissances halieutiques dans le monde en raison de l'explosion aquacole ! Ce pays parmi les plus pauvres est dorénavant le sixième producteur aquacole dans le monde avec une quantité de plus d'un million de tonnes de produits issus de l'aquaculture, principalement de la pisciculture d'eau douce et de la crevetticulture...

Le poisson est largement connu comme un aliment sain, riche en protéines et autres nutriments, alors comment expliquer cette situation au Bangladesh ? Eh bien, il s'agit des types de poissons disponibles à la population sur les lieux de vente.

La croissance dans ce secteur aquacole a plus que compensé la baisse des captures à la pêche, ce qui explique la forte augmentation de la consommation de poisson au fil du temps. Tout irait bien si la valeur nutritionnelle des différentes espèces était identique. Or, il s'avère qu'au Bangladesh, les espèces locales issues des pêcheries sont généralement beaucoup plus nutritives que les espèces cultivées.



Et c'est là que l'analyse de la nutritionniste devient pertinente...

Les captures à la pêche sont caractérisées par une grande diversité, près de 300 espèces de « petits poissons indigènes », qui sont le plus souvent consommés entiers, tête et arêtes comprises. Des petits poissons sources importantes en micronutriments, fer, zinc, calcium et vitamine A, ainsi qu'en protéines de haute qualité. Alors que l'aquaculture est dominée par une poignée de grandes espèces de poissons, indigènes et exotiques. Seule la chair de ces gros poissons d'élevage est habituellement consommée, ce qui constitue une source de protéines de haute qualité, mais elle contient généralement moins de micronutriments.

Comme les régimes ont évolué vers davantage de poissons d'élevage, les apports en nutriments provenant du poisson ont diminué. Ce qui a des implications sérieuses dans un pays souffrant de malnutrition généralisée. En effet, le Bangladesh a l'un des taux de malnutrition les plus élevés au monde. Plus d'un enfant de moins de cinq ans sur trois souffre d'un retard de croissance - un indicateur de malnutrition chronique. Et des millions vivent avec diverses carences en micronutriments.

Les conseils de Madame la nutritionniste...

Selon des estimations, la malnutrition coûterait au Bangladesh 1 milliard de dollars par an en perte de productivité économique. Sans tenir compte du coût en matière de santé pour le traitement de la malnutrition ainsi que des autres coûts sociaux.

La malnutrition sous ses diverses formes affecte presque tous les pays du monde. Combinée avec une mauvaise alimentation, c'est la première cause de maladie dans le monde. Le poisson est un aliment riche en nutriments qui peut jouer un rôle plus important pour relever ce défi mondial, non seulement au Bangladesh mais dans de nombreuses régions.

L'objectif de développement durable des Nations Unies (ODD) qui vise à éliminer la malnutrition, sera atteint, à condition que les systèmes de production alimentaire, y compris l'aquaculture, soient réorientés afin de se concentrer sur la nutrition. Cela signifie de choisir parmi les divers systèmes alimentaires ceux qui donnent la priorité aux aliments riches en nutriments.

… Des systèmes piscicoles de type polyculture pour une meilleure qualité !

Le Bangladesh a la solution aux problèmes de la malnutrition en généralisant les systèmes piscicoles de type polyculture. Les petits poissons riches en nutriments sont alors produits aux côtés de gros poissons dans une pratique connue sous le nom de polyculture, de sorte que plusieurs espèces sont élevées dans le même bassin.

Les gros poissons peuvent être vendus comme source de revenus, tandis que les petits poissons sont récoltés régulièrement pour la consommation du ménage ou, en cas de surplus, pour la vente. Les agro-pisciculteurs sont en mesure d'augmenter les rendements totaux tout en améliorant la qualité nutritionnelle de leurs systèmes de production.

Un petit poisson, connu sous le nom de mola (Amblypharyngodon mola), est une source exceptionnelle de vitamine A. L'inclure dans les systèmes de polyculture s'est avéré être une stratégie rentable pour soulager la carence en vitamine A. Malgré cela, cette approche n'est toujours pas adoptée.

Cette étude de Jessica Bogard (*) confirme que produire plus de nourriture n'est pas le seul défi. L'objectif des systèmes de production alimentaire, y compris l'aquaculture, doit aller au-delà de la maximisation des rendements ; il doit également tenir compte de la qualité nutritionnelle. Sinon, le monde continuera de faire face à des situations comme celle du Bangladesh, où la malnutrition persiste malgré l'abondance.

Philippe Favrelière à partir de l'article de The Conversation : In Bangladesh, people are eating more fish but getting less nutrition from it

Le Sahara Occidental à la tête de la pêche africaine !

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Avec des captures estimées à 1,230 million de tonnes dans les eaux du Sahara Occidental, ce territoire non autonome (*) serait le leader de la pêche africaine et à la 17e place de la pêche maritime dans le monde (entre le Mexique et l'Espagne) !

Dans les eaux du Sahara occidental, les pêcheurs européens capturent en moyenne 80 000 tonnes de poisson chaque année, soit plus de 90% de la production négociée dans le cadre de l'accord de pêche entre l'Union Européenne et le Maroc... Les pêcheurs marocains y puisent plus d'un million de tonnes de poisson, les 3/4 de leurs captures totales ! Et, la Russie 140 000 tonnes annuelles dans le cadre de l'accord de pêche avec le Maroc !

(*) En 1963, le Sahara occidental a été inscrit, à la demande du Maroc, sur la liste des territoires non autonomes selon l'ONU, alors qu'il était encore une colonie espagnole. Le territoire a toujours conservé ce statut depuis. L'ONU est directement impliquée depuis 1988, lorsque le Maroc et le Polisario se sont mis d'accord pour la tenue d'un référendum d'auto-détermination, afin d'obtenir une issue pacifique au conflit. En 1991, l'ONU a obtenu un cessez-le-feu entre les belligérants, selon un calendrier qui stipulait la tenue du référendum l'année suivante. À la suite de désaccords incessants sur la composition des listes électorales, ce référendum n'a pas encore eu lieu. (Source : Wikipedia)

Autre information utile de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) :
N° 1/2018 : 10 janvier 2018 - Conclusions de l'avocat général dans l'affaire C-266/16

Chiffres tirés de ces deux documents :

Évaluation rétrospective et prospective du protocole à l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et Le Royaume du Maroc - Commission Européenne - Septembre 2017

2015 La Mer en chiffres - Royaume du Maroc - Ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime

Autres articles :

Pêche électrique : analyse à contre courant !

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(Copie d'écran Google images : Pêche électrique Pays Bas)

A quelques heures du dénouement, le suspense est à son comble...

Qui va gagner ? les pêcheurs néerlandais à l'électricité ou les pêcheurs français ?

Au Parlement européenne, la tension devrait monter jusqu'au moment du vote... Une tension électrique à l'annonce des résultats !

Quelque soit le résultat, autorisation ou pas de la pêche électrique dans les eaux européennes, il nous semble important de prendre le recul indispensable pour analyser la situation de la pêche européenne dans un contexte de mondialisation du marché des produits de la mer...

Une fuite en avant vers la concentration des activités de pêche en Europe... Et une grande nation maritime comme fer de lance ! Les Pays-Bas agissent en sous-marin pour arriver à leurs fins dans le domaine halieutique... Acquisition avec la reprise des armements étrangers, et étouffement avec la politique de la terre brûlée comme l'utilisation de pratique de pêche qui ne laisse aucune chance à ses rivaux...

Pays de tradition culinaire, « Ventre » du poisson mondialisé...

En dehors de la pêche électrique, les Pays-Bas font de temps en temps les grands titres de la presse spécialisée... Les armateurs néerlandais détiennent dorénavant de grands pans du secteur de la pêche en France... La pêche chalutière industrielle, démersale et pélagique, avec l'acquisition d'Euronor à Boulogne et de la Compagnie des pêches de Saint-Malo... La pêche thonière avec l'acquisition de la Compagnie Française du Thon Océanique (CFTO), l'un des leaders mondiaux de la pêche au thon tropical... Côté aquaculture, Nutreco, géant mondial de la nutrition aquacole, est piloté depuis la Hollande qui détient ainsi une grande part des intérêts dans le saumon et la crevette d'élevage, deux produits aquacoles dont les français sont accrocs...Et enfin la Rabobank, le secteur bancaire néerlandais suit l'évolution du secteur de la pêche et de l'aquaculture depuis de nombreuses années ; cette banque ne manque pas dans ses analyses très suivies d'impulser ses choix en la matière de stratégie de développement à l'échelle planétaire... Ce qui pourrait expliquer le non décollage de l'aquaculture en France, pays de tradition culinaire mais considéré ni plus ni moins comme un « Ventre » du poisson mondialisé...

Quant à la politique de la terre brûlée à laquelle se livrent les pêcheurs néerlandais sur les fonds marins, nous donnons la parole à Jean-François Le Bitoux avec ce très bon billet publié sur le blog de Paul Jorion :

L’étrange défaite de la démocratie bureaucratique européenne : l’autorisation du chalutage électrique. De quoi cette dérogation est-elle le message ?

Extraits

L’historienne Mona Ozouf aime souligner qu’avant de se lancer dans l’analyse d’une situation délicate, il faut « contextualiser avant de hiérarchiser ». Cette attitude implique une curiosité et une volonté de savoir qui selon Marc Bloch, autre historien exigeant, ne sont guère encouragées en notre pays : résister à « cette paresse de savoir, funeste complaisance envers soi-même » demande une volonté tenace.

Il y a toujours plusieurs manières d’aborder une situation compliquée. Le vote de l’autorisation du chalutage électrique dans les eaux européennes est d’autant plus absurde qu’il provient de la Commission qui est censée faire respecter une législation européenne qui en interdit l’usage. C’est l’occasion de s’interroger sur les petits arrangements entre amis qui sont aussi une caractéristique de toute corruption officielle ou tolérée. Un « wicked problem » ?

(...)

En une dizaine d’années, le chalutage hollandais vient de réussir un magnifique casse aux subventions qui a pris les apparences d’une procédure bureaucratique administrativement bien menée. Depuis 2006, cette activité a fait financer par la Recherche européenne un investissement dans le chalutage électrique afin d’en étudier les forces et les faiblesses. Contrairement à ce qui a été dit, il existe des rapports de recherche intéressants qui constatent tout le bien de la technologie proposée et qui de fil en aiguille, suggèrent qu’elle va sauver le monde sans en rechercher d’éventuels paramètres limitants. Cela semble bien une technologie optimisée pour travailler dans les espaces de pêche hollandais et sans doute dans d’autres écosystèmes de manière plus ponctuelle. Elle pourrait « y faire un malheur » sans y être concurrencée par des méthodes traditionnelles.

C’est sans doute « de bonne guerre » mais les citoyens qui financent, s’attendent à ce qu’une commission responsable, curieuse et critique, en apprécie les bienfaits et les risques avec un peu de recul. La pêche électrique est utilisée à une échelle limitée depuis longtemps : quel pourrait en être l’impact à une échelle industrielle ? Il a été dit que cette technique a été interdite en Amérique et en Asie, pourquoi ? Puisque cette technique est mise en œuvre depuis plusieurs années, il est sans doute possible d’en observer les effets là où elle a été le plus utilisée ? Bref sans méconnaître l’impact d’autres techniques de chalutage, il peut sembler risqué de « laisser faire » ou même de donner un avantage comparatif économique à cette technique sans autre encadrement.

Il n’est pas possible de citer ici les effets destructeurs attribués à cette pêche dans une discussion sans fin, sans même évoquer les manipulations de tensions de pêche, mais les scientifiques savent qu’elle permet de faire sortir des sédiments un maximum d’animaux.

Comment en est-on arrivé là ?

Cap Mauritanie 1 : La seconde vie du chalutier Bara Heiz

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(Copies d'écran de Marine Traffic et de la page facebook : Ma Bro du 29 et. d'ailleurs)

En novembre 2017, le chalutier de l'Armement bigouden « Bara Heiz » a rejoint les eaux poissonneuses de la Mauritanie... Une seconde vie, pour bon nombre de chalutiers norvégiens, danois et espagnols, au large de l'Afrique de l'Ouest, haut lieu de la pêche dans le monde... avec des captures annuelles estimées à 3-4 millions de tonnes sur les côtes saharo-mauritano-sénégalaises ! En revanche les ressources pélagiques abondantes sont convoitées par la pêche minotière. Plus d'un quart de la production halieutique est aujourd'hui transformée en farine et en huile de poisson alors que cette région africaine approvisionne traditionnellement les pays déficitaires en poisson du Golfe de Guinée...

Dans le port du Guilvinec, le « Bara Heiz » construit en 1986 a laissé sa place à un chalutier flambant neuf le « Bara Breizh »

« C’est une décision importante, mais si nous ne construisons pas, nous restons à la traîne. On ne peut pas continuer à pêcher avec de vieux bateaux dont les coûts d’entretien et les arrêts techniques augmentent avec l’âge. Et nous ne pouvons pas continuer à faire travailler des équipages sur de vieux bateaux alors qu’il leur faut plus de confort et de meilleures conditions de travail, » expliquait Soazig Le Gall-Palmer, présidente de l’Armement Bigouden. « Un bateau neuf cela coûte cher, mais l’entretien cela coûte aussi cher. » (1)



Navires-usines et chalutiers hauturiers aux barques et pirogues artisanales !

Un bateau d'origine bretonne au milieu d'une flottille hétéroclite et diversifiée avec des objectifs divergents...

Au large des côtes africaines, le Bara Heiz a rejoint une flottille d'une centaine de bateaux de pêche de seconde main acquis par des armateurs africains, souvent dans le cadre d'armement mixte sous pavillon marocain, mauritanien ou sénégalais. Avec ses 24 m de longueur, le Bara Heiz fait figure de « petit », faire ses preuves face à des navires beaucoup plus gros, d'une longueur comprise entre 30 et 50 m... Il doit aussi trouver sa place au milieu des navires étrangers qui exploitent les eaux mauritaniennes dans le cadre des accords de pêche avec l'Union Européenne, la Chine, la Russie, le Japon, la Turquie, des chalutiers hauturiers et des navires-usines de plus de 100 mètres de longueur.

Près des côtes mauritaniennes et sur le chemin de son port d'attache Nouadhibou, le « Bara Heiz » dorénavant « Cap Mauritanie 1 » louvoie probablement au milieu d'une myriade de pirogues artisanales... 

Des centaines de pirogues dans le port artisanal de Nouadhibou



Dans ce pays de tradition nomade, la pêche artisanale s'est développée récemment... Elle a explosé à partir des années 1990 ! Aujourd'hui, des dizaines de milliers de pêcheurs artisans alimentent les marchés locaux et surtout les marchés internationaux notamment en poulpe...

« En 1978, je me souviens, nous n’étions que 17 embarcations artisanales.... Aujourd’hui, nous sommes 36.000 pêcheurs artisans et nous utilisons 7.500 pirogues.... » expliquait Sid’Amed Ould Abeid, président de la Fédération nationale des pêches en Mauritanie, le 21 janvier 2013 au Parlement européen... « Pour ce qui est de la pêche de poulpe, nous assurons 60% de la production nationale en quantité et 70% en valeur. Nous fournissons 90% de l’emploi dans le secteur, avec des gens qui travaillent dans 50 usines de traitement de congélation des produits, dans 12 ateliers de fabrication de pirogues, et dans des centaines de magasins de vente de matériel, des milliers de mareyeurs, de transporteurs, de fabricants de pots, etc. Dans la pêche artisanale, la valeur ajoutée est de 8 fois supérieure à la valeur ajoutée dans la pêche industrielle. » (2)

Ces chiffres montrent l'importance et le dynamisme de la pêche artisanale dans ce pays... Un secteur artisanal qui par la voix de son président demandait aux parlementaires européens de ne pas oublier les communautés de pêcheurs et de soutenir le développement de la pêche locale dans le cadre de l'accord de pêche entre l'UE et le Mauritanie...

Des centaines de barques artisanales à proximité du port de pêche industrielle de Dakhla 


Que cible le « Cap Mauritanie 1 » sur cette côte ouest-africaine ? Pas de langoustine, ni de lotte dans les eaux mauritaniennes...

Ruée sur la farine de poisson

Alain Le Sann du Collectif Pêche et Développement nous alerte sur les menaces pour la sécurité alimentaire du développement de la pêche minotière en Afrique de l'Ouest : Farines de poisson : Quand on enlève le poisson de la bouche des africains.

Extraits

En Mauritanie, chaque année, 200 à 300 000 tonnes de poissons pélagiques (sardinelles) auparavant vendues, congelées, pour la consommation humaine au Nigéria, en Côte d’Ivoire, au Ghana, ont été détournées vers les usines de farine. Il y en avait 5 en 2010, il y en a 29 en 2016 et 40 autorisations ont été signées. Ces usines sont liées à des capitaux turcs, chinois, marocains et russes. Elles tournent à 28% de leur capacité et n’assurent que très peu d’emplois directs, moins de 1000 pour 300 000 T (Au Sénégal, 150 000 T débarquées assurent 50 000 emplois). De plus, 200 000 T de sardinelles transformées en farine privent 40 millions d’Africains de 5 kg de poisson de qualité par personne. Les seuls pêcheurs bénéficiaires sont les pêcheurs des 200 pirogues à sennes, essentiellement sénégalaises, affrétées par les usines pour pêcher une ressource surexploitée.

S’y ajoute au Maroc, une forte pression pour détourner une partie des sardines vers les usines de farine. En 2013, 425 000 T ont été livrées pour la farine, dont 260 000 t de sardines.

Pour l’instant le Sénégal échappe encore à cette ruée sur la farine de poisson qui touche maintenant la Mauritanie, mais déjà, des femmes de M’bour et de Joal se plaignent de la concurrence de ces usines. Elles sont censées ne travailler que les déchets et les poissons invendables de faible qualité, mais la tentation est forte de faire tourner l’usine à plein en captant une partie des poissons pour l’alimentation humaine. En effet, le prix de la farine a augmenté de plus de 50% à cause de de la demande croissante d’aliments pour l’aquaculture, alors que dans le même temps la production de farine se réduit dans le reste du monde. Les pêcheurs sénégalais sont en effet alertés par ce qui se passe en Mauritanie.

Dans l’intention louable de mieux valoriser ses captures, l'Etat mauritanien a décidé, à partir de 2010, de réduire l’activité des chalutiers pélagiques étrangers en augmentant le coût des licences, en repoussant ces bateaux au large et en les obligeant à débarquer leur poisson dans les ports de Mauritanie en livrant 2% des captures pour alimenter un programme de vente à très bas prix sur le marché intérieur. 60 chalutiers étaient concernés, 10 d’Europe de l’Ouest, livrant surtout du poisson congelé en Afrique (Côte d’Ivoire, Ghana, Nigéria) et 50 de Russie et Europe de l’Est pour alimenter leurs propres marchés. Belle initiative peut-on se dire, respectant tous les canons de la justice et de la pêche responsable. Le programme de distribution de poisson aux Mauritaniens a bien marché et a amélioré leur alimentation, mais par ailleurs ces choix se sont révélés plutôt catastrophiques. (3)

Philippe Favrelière

(1) Bara Breizh – Combinaison gagnante

(2) Accord de pêche Mauritanie/UE. Le pêcheur de poulpe face aux eurodéputés...

Les ostréiculteurs exportent une huître à la française !

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Sheraton Hong Kong Hotel - Oyster & Wine Bar

L'huître à la française voyage bien ! Elle se classe au premier rang des produits de la mer exportés par la France (1)... Depuis les années 2000, les huîtres françaises sont de plus en plus appréciées dans le monde et tout particulièrement en Chine ! Comment expliquer l'explosion des importations chinoises alors que l'Empire du milieu élève des huîtres en très grande quantité (80% du volume mondial)...

Dans un marché des produits de la pêche et de l'aquaculture très ouvert sur le monde - La FAO estime que près de 40% de la production de poisson se retrouve sur le marché international - les coquillages font figure d'exception ! Huître, moule, coquille saint jacques, coque et autre coquillage n'alimentent le commerce mondial que dans une très petite proportion... A peine 5% des quelques 14 millions de tonnes de coquillages produits tous les ans dans le monde. Parmi les bivalves, ceux qui voyagent le plus, sont par ordre décroissant les moules (200 000 tonnes chaque année), les palourdes (180 000 tonnes), les pétoncles (150 000 tonnes) et enfin les huîtres (50 000 tonnes) (2). Les coquillages sont traditionnellement consommés sur place et gardent la préférence des marchés intérieurs. A quelques exceptions près, moules et pétoncles font l'objet d'une intense exploitation orientée vers l'export, dans plusieurs pays d'Amérique latine, Chili, Pérou et Argentine...

En 2016, l'huître dégage un excédent commercial de 43 millions d'euros !



Les huîtres élevées en France sont surtout consommées dans l'hexagone. Néanmoins, les huîtres françaises sont de plus en plus prisées à l'étranger et tout particulièrement en Chine. L'huître tient dorénavant la palme de l'export des produits de la mer, devant la seiche et la légine... Sur les 12 derniers mois (3), les exportations d'huître s'élèvent à 81 millions d'euros pour un volume de 11600 tonnes soit près de 10% de la production ostréicole nationale. L'huître fait partie des rares produits issus de la pêche et de l'aquaculture françaises qui tentent d'équilibrer une balance commerciale fortement déficitaire, de plus de 4 milliards d'euros en 2016 !

Des dizaines d'ostréiculteurs prennent leur bâton de pèlerin pour faire connaître leurs huîtres

L'exportation des huîtres françaises s'appuie sur un savoir-faire en matière de production et un savoir-vivre à la française... Elle s'appuie sur des dizaines d'entreprises ostréicoles à taille humaine, une singularité dans un secteur des produits de mer de plus en plus concentré et "accaparé" par de grands groupes de la pêche et de l'agro-alimentaire...

Ces entreprises pour la plupart familiales et ancrées dans leur territoire depuis des générations font preuve d'initiatives à l'export avec l'ouverture de nouveaux marchés, et d'une grande résistance face aux aléas (4) ; elles ont su rebondir après la fermeture du marché russe en 2014... « Près de 400 tonnes d'huîtres étaient exportées en Russie par les ostréiculteurs bretons avant l'embargo sur les produits alimentaires européens... » (5) Les efforts et la concrétisation d'années de prospection et de travail pour amener les huîtres bretonnes sur les tables russes étaient réduits à néant. (6)

Des huîtres à la française ?

Dans la plupart des pays ostréicoles, les huîtres se cuisinent... Elles sont mangées cuites, à la vapeur, bouillies ou grillées, mais aussi en soupe. Elles servent aussi beaucoup dans la préparation des sauces... Dans ces pays, les huîtres sont vendues décoquillées...



Dégustées nature à la française, les huîtres acquièrent un autre statut, considérées comme un produit d'exception, de luxe, convivial,... Leur consommation est centrée autour des fêtes de fin d'année, de moments festifs ou chaleureux... En Chine où l'art culinaire jouit d'une importante popularité, cette nuance apportée aux huîtres ne pouvait que toucher les consommateurs chinois à la bourse bien remplie ! Des huîtres préparées à la française, ce n'est pas donné à n'importe qui ! Un marché de niche très rémunérateur dont profite l'ensemble de l'ostréiculture française.

Philippe Favrelière

(1) En réalité, l'huître est en troisième position des produits d'exportation (en valeur) derrière le thon et la crevette, deux produits transformés, à l'étranger pour le thon (exporté puis importé) et en France pour la crevette (importée puis exportée) et dont la balance commerciale est globalement très déficitaire, respectivement de – 312 916 millions d'euros et de – 715 970 millions d'euros pour l'année 2016. Alors que l'huître dégage un excédent commercial de 43 millions d'euros !
FranceAgriMer : Bilan commerce extérieur des produits de la pêche et de l'aquaculture 2016
(2) Globefish (FAO) : Limited trade in bivalves
(3) Douanes françaises : 12 derniers mois cumulés (décembre 2016 - novembre 2017)
(5) Le Télégramme : Embargo russe. Les huîtres en rade

Ostrea : Évolution et caractérisation des importations et exportations d’huîtres en France

FranceAgriMer : Bilan commerce extérieur des produits de la pêche et de l'aquaculture 2016

Dans l'UE, la pêche minotière a encore de beaux jours devant elle !

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Pêcherie minotière au large du port péruvien de Chimbote 
(Le Pérou produit en moyenne 30% de la production mondiale de farine de poisson (exportée principalement en Chine) et d'huile de poisson (exportée principalement au Danemark)

L'observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l'aquaculture (EUMOFA) a publié fin 2017 une analyse très détaillée sur la pêche minotière dans l'Union Européenne. Ce dossier met la lumière sur cette pêcherie peu médiatisée mais qui pèse certaines années plus du quart des captures de l'Union Européenne sur sa façade Atlantique. (1)

Contrairement à une idée reçue, le poids de la pêche minotière ne diminue pas dans l'Union Européenne. Depuis la fin des années 1990, la pêche minotière représente selon les années entre 20% et 25% des captures de l'UE en Atlantique Nord Est (ANE). Les espèces les plus importantes pour la production de farine de poisson et d’huile de poisson sont le sprat, le hareng et le merlan bleu. Le principal État membre concerné par cette pêcherie est le Danemark qui représente près de 80% du total des débarquements minotiers de l’UE. Au fil des années, ce pays est même devenu le chef de file de la pêche minotière en Europe devant la Norvège et l'Islande, plaçant l'Atlantique Nord-Est à la troisième place des zones de pêche minotière dans le monde après le Pacifique SE (Pérou et Chili) et le Pacifique NO (Chine et Japon) (2). Par ailleurs, le Danemark est un acteur majeur du commerce mondial de l'huile de poisson, ingrédient primordial de l'aliment des saumons...



Entre 20 et 26% des captures de l'UE à la farine

Les quotas de captures fixés pour les espèces destinées à la pêche minotière varient fortement d’une année sur l’autre. En 2016, le total des débarquements de la pêche minotière dans l'UE a atteint 786.000 tonnes, soit une baisse de 24 % par rapport à 2015 (1,04 million de tonnes pour des captures totales de 3,93 millions de tonnes en Atlantique NE) (3). Ces volumes correspondent respectivement à 20% et 26% des captures totales de l'UE en Atlantique Nord-Est.

De 2016 à 2017, les quotas de lançon et de merlan bleu ont connu une forte progression, respectivement + 459 % et + 85 % ! Avec de tels écarts annuels, aucune industrie classique de transformation, conserverie ou congélation de poisson pour l'alimentation humaine, ne survivrait... Par contre, l'industrie minotière danoise a appris à « surfer » sur des quotas de pêche tantôt à la hausse tantôt à la baisse, dans un panel d'espèces de petits pélagiques destinées à la fois à l'alimentation humaine et à la fabrication de farine et d'huile de poisson... En 2016, la flotte minotière danoise a débarqué 615.000 tonnes, soit environ 78% du total des débarquements de l’UE. Outre la flotte danoise, les flottes suédoise et finlandaise complètent à hauteur respectivement de 80.000 tonnes et 79.000 tonnes chacune les captures minotières dans l'UE.

Diminution de la pêche minotière dans l'UE ? En volume, les captures pour la pêche minotière se situaient à 1,5 million de tonnes sur la période 1998-2002. Une baisse des captures depuis... Cependant, la part de la pêche minotière est restée stable dans l'Union Européenne depuis la fin des années 1990, dans des proportions qui la positionnent dans la moyenne mondiale estimée à 20% ! (4)

Sprat, hareng et merlan bleu à la farine !

Les espèces les plus importantes pour la production de farine de poisson et d’huile de poisson dans l'Union européenne sont le sprat, le hareng, le merlan bleu, le lançon, le tacaud norvégien, le capelan et le sanglier.

En 2016, le total des débarquements de l’UE de sprat a atteint 491.000 tonnes. Environ 358.000 tonnes (soit 73 %) ont été débarquées pour l'industrie minotière, le reste étant destiné à la consommation humaine. Au total, 183.000 tonnes de hareng de l'Atlantique ont été débarquées pour les filières de la farine de poisson et de l’huile de poisson, soit environ 25 % du total des débarquements de hareng de l'Atlantique dans l’UE. En 2016, le total des débarquements de l’UE de merlan bleu ont atteint 310.00 tonnes, dont environ 50 % étaient utilisés pour la réduction en farine et huile de poisson. Chaque année, entre 1.000 et 5.000 tonnes de lançon sont utilisées pour la consommation humaine, tandis que 100 % des captures de sanglier partent à la farine de poisson et à l’huile de poisson. Pendant les années bénéficiant d’un quota élevé, le capelan est également un « poisson-fourrage » (5) important pour les producteurs de farine de poisson et d’huile de poisson, mais surtout pour d’autres pays européens, notamment l’Islande et la Norvège.



Le Danemark, plaque tournante mondiale de l'huile de poisson

L’UE produit environ 500.000 tonnes de farine de poisson et 120.000 tonnes d’huile de poisson chaque année. Pour atteindre ces chiffres, la pêche minotière ne suffit pas (6). L'UE doit compter sur les rejets de l'industrie halio-alimentaire... (7)

« Outre la pêche, les filières filetage / transformation pour la consommation humaine sont d’autres ressources importantes pour la fabrication de la farine et de l'huile de poisson. La tendance globale est d’utiliser moins de matière première provenant des captures. Cette situation est le fruit d’une demande accrue des marchés de consommation et de règlements plus stricts entraînant une plus grande utilisation de la matière première provenant de la filière filetage, notamment les chutes de parage recyclées. Pour la majeure partie des espèces de poisson, le rendement du filet varie entre 30% et 65% du poids du poisson et les découpes représentent une ressource appréciée des producteurs de farine et d’huile de poisson. »

Le Danemark est le plus grand pays producteur mais aussi le plus grand exportateur de farine de poisson et d’huile de poisson dans l'UE. Ces deux produits bénéficient d’une forte demande car ils sont utilisés comme ingrédient dans les aliments destinés aux élevages de poissons dans l'Union européenne et en Norvège.

Avec une production de saumon et de truite qui atteint 1,3 million de tonnes par an, la Norvège est le plus gros marché de farine de poisson en Europe (environ 353.000 tonnes par an) et le plus gros consommateur d'huile de poisson dans le monde (environ 220.000 tonnes par an). En 2016, les exportations communautaires de farine de poisson et d’huile de poisson vers la Norvège ont totalisé respectivement, 119.000 et 114.000 tonnes. Bien que la Norvège soit aussi un grand pays de la pêche minotière, ce pays absorbe 65% de la farine de poisson et 90% de l’huile de poisson exportées par l'UE. La farine de poisson et surtout l’huile de poisson sont des ingrédients fondamentaux dans l’alimentation du saumon pour l’industrie aquacole norvégienne.

Etant donné la forte progression de l'aquaculture dans le monde, la question de l'approvisionnement en farine et en huile de poisson s'est posée dès le début des années 2000, avec l'annonce d'une pénurie en huile de poisson au tournant des années 2010. « Pour les fabricants d’aliments pour poissons, la question ne se pose même pas, il faut trouver une solution », expliquait dans les années 2000 Jørgen Holm, nutritionniste chez BioMar, l'un des principaux producteurs d’aliments pour poissons installé à Brande, au Danemark (8). Les entreprises d’aliments pour poissons cherchent donc d’autres sources de protéines et surtout d’autres matières premières pour la fabrication d'huile de poisson. Si la substitution des farines de poisson par des protéines végétales comme les concentrés de protéines de soja est en bonne voie comme l'annonçait en 2014, le centre de recherche norvégien Nofima (9). Par contre, la substitution de l'huile de poisson par des huiles végétales se révèle beaucoup plus problématique.

Face à la pénurie annoncée, plusieurs pays européens et tout particulièrement le Danemark, pays très impliqué dans la fabrication d'aliments aquacoles, ont fait main basse sur le commerce d'huile de poisson. Au fil des années, le Danemark est devenu un négociant majeur dans le commerce mondial de l'huile de poisson, s'approvisionnant principalement au Pérou où le Danemark est le premier client pour l'huile de poisson (La Chine pour la farine de poisson), pour ensuite réexporter en grande partie cet ingrédient essentiel à l'aliment piscicole dans les pays aquacoles de l'UE et en Norvège... (1)(10)

Philippe Favrelière

(1) Pêche dans l'UE destinée aux produits à usage non alimentaire
Faits saillants du mois N°10/2017 - Eumofa

(2) La façade atlantique de l'Europe (Atlantique Nord Est) est la troisième zone de pêche minotière dans le monde après le Pacifique SE (Pérou et Chili) et le Pacifique NO (Chine et Japon)
Fishmeal and fish oil : facts and figures – Seafish December 2016

(3) En 2015, les débarquements de la pêche minotière se sont élevées à 1,04 million de tonnes dans l'Union Européenne pour des captures totales de 3,93 millions de tonnes en Atlantique Nord Est ou de 5,11 millions de tonnes toutes zones confondues... soit une part de la pêche minotière à hauteur de 26% ou 20% !
Statistiques sur la pêche dans l'UE (Eurostat)

(4) Une étude publiée par le parlement européen en 2004 portant sur les années 1998-2002, « The fishmeal and Fish oil industry – Its role in the common fisheries policy », montre que 21% des débarquements de l’Union Européenne sont transformés directement en farine et en huile de poisson, soit près de 1,5 millions de tonnes sur un total de captures de 7,29 millions de tonnes annuelles. Avec plus d’un million de tonnes, le Danemark représente 69% des activités minotières de l’Union Européenne, suivi de loin par la Suède (19%), la Finlande (5%), le Royaume-Uni (3%), l’Irlande (3%) et la Pologne (2%).

(5) « Poisson-fourrage » : La pêche dite minotière, par opposition à la pêche alimentaire, est spécialisée dans la capture d’espèces transformées en farines, en huiles par les usines de réduction. On l’appelle aussi « pêche à finalité industrielle » (Carré, 2006). La pêche minotière se pratique avec des filets à petites mailles qui capturent de grandes quantités de poissons, principalement de petits pélagiques... Les produits transformés sont ensuite utilisés par l’aquaculture (salmonidés, crustacés) et les élevages hors-sol. C’est pourquoi les prises de la pêche minotière sont appelées « poissons-fourrages ». http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/peche-minotiere

(6) Industrie de réduction : Cent kilos de poisson peuvent produire entre 20 et 22 kilos de farine de poisson et entre 2 et 6 kilos d’huile de poisson pendant le processus de production. Le rendement de l’huile dépend de la teneur en matière grasse du poisson, qui varie d’une espèce à l’autre. Le sprat et le lançon sont plus gras que le merlan bleu et donc produisent plus d’huile pendant le processus de production. Le volume de farine de poisson ne varie pas de la même façon. (d'après FAO) http://www.fao.org/docrep/003/x6899e/x6899e04.htm

(7) Le dossier de l'Observatoire Européen des Marchés des Produits de la Pêche et de l'Aquaculture (EUMOFA) ne fait aucune allusion sur l'incidence du nouveau règlement communautaire « rejet zéro » dans la production de farine et d'huile de poisson !
(8) Aquaculture. Un régime végétarien pour les saumons d'élevage

(9) Plus de 70% de matière végétale dans l'aliment saumon
En 2013, les matières premières marines représentaient pour la première fois moins de 30% de l'alimentation du saumon d'élevage norvégien, indique un rapport.
En 1990, environ 90% de l'alimentation du saumon d'élevage norvégien provenait de matières premières marines. Le chiffre correspondant en 2013 était de 29,2%. Cela a entraîné une réduction de 15% de la teneur en ingrédients marins entre 2010 et 2013. Les matières premières marines peuvent être résumées comme étant l'huile de poisson, la farine de poisson et la farine de krill. 72% de ces matières premières proviennent directement de la pêche, le reste provenant des déchets et des sous-produits de l'industrie halio-alimentaire.
Parmi les matières premières végétales, le concentré de protéines de soja et l'huile de colza sont les ingrédients dominants. Une plus grande proportion de protéines dans les aliments provient désormais du concentré de protéines de soja que de la farine de poisson. Parmi les huiles pures contenues dans les aliments pour poissons, 19,2% proviennent d'huiles végétales et 10,9% d'huile de poisson.
Have exceeded 70 per cent plant material in salmon feed

(10) Le Danemark est le premier pays importateur d'huile de poisson du Pérou
Peru : Anuario estadistico pesquero y acuicola 2015
http://www.produce.gob.pe/documentos/estadisticas/anuarios/anuario-estadistico-pesca-2015.pdf

Autres articles :


Crevette, un plaisir au goût amer !

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Jeune pêcheur de crevettes dans la lagune de Maracaïbo (Venezuela - juin 1990)
sur fond de fermes d'élevage de crevettes...
« La crevette est perçue comme un produit convivial, bon pour la santé... de plaisir partagé ainsi qu’un arrière-plan de vacances et d’exotisme », selon une étude récente de FranceAgriMer : Le marché de la crevette en France... La crevette tropicale fait partie des produits de la pêche et de l'aquaculture les plus appréciés dans notre pays... Un plaisir qui n'est pas toujours partagé avec les populations confrontées au développement des élevages de crevettes comme en Equateur, en Inde et ailleurs... Peu importe ! Que pèsent ces populations démunies face à un marché très lucratif de plusieurs milliards de dollars dans les pays du Nord... un marché de la crevette cuite de plus de 600 millions d'euros en France et contrôlé par une poignée d'entreprises, une dizaine de cuiseurs importateurs de crevettes tropicales !

Avant leur cuisson, Litopenaeus vannamei (gauche) et Penaeus monodon (droite), les deux espèces de crevette tropicale les plus élevées dans le monde sont très différentes ! Litopenaeus vannamei, la crevette à pattes blanches, également connue sous les noms de crevette blanche du Pacifique, Pacific white shrimp ou King prawn, est endémique de la côte Pacifique de l'Amérique latine, alors que Penaeus monodon, la crevette géante tigrée également connue sous le nom de Black Tiger est endémique de l'océan Indien et de l'Asie du Sud-Est... (photos wikipedia)

Les crevettes tiennent une place de choix sur les étals des poissonneries... Affichées à des prix défiant toute concurrence, les crevettes tropicales (genre Penaeus) ont conquis 90% du marché de la crevette en France. De consommation courante, elles font partie des produits d'appel pour attirer les clients dans le rayon poissonnerie des grandes surfaces et elles laissent peu de place aux autres crustacés, de qualité et de la pêche locale (crevette grise, crevette blanche, bouquet, crevette impériale des marais charentais et autre langoustine)... Depuis une décennie, la consommation des crevettes tropicales tend à se tasser alors que dans le même temps la facture est toujours plus salée à l'importation avec la flambée des cours mondiaux. Saumon et crevette tropicale creusent de plus en plus le déficit de la balance commerciale française qui atteint les 4 milliards d'euros pour les produits aquatiques... Qu'à cela ne tienne ! Les cuiseurs français de crevette, intermédiaires majeurs et incontournables de la filière -une dizaine de sociétés qui importent les crevettes tropicales crues congelées pour les cuire avant leur commercialisation dans les poissonneries, se partage le marché « lucratif » de la crevette tropicale en France- veulent inverser la tendance de la consommation qui s'essouffle en France... Comment relancer la consommation, faire revenir les consommateurs français vers cette crevette tropicale qui garde pourtant une bonne image... C'est l'objet de l'étude commandée par FranceAgriMer et rendue public en septembre 2017....

Les importations françaises de crevette tropicale (genre Penaeus) s’élèvent 650 millions d’euros en 2017 en croissance de 35 % depuis 2011, pour un volume constant autour de 85 000 tonnes chaque année. L'Équateur est le 1er fournisseur avec 37 % du volume en 2017, (bonne intégration des exigences de qualité des importateurs français qui destinent les produits à la cuisson), suivi de l'Inde (prix et qualité) et de Madagascar... Toutes espèces et toutes origines confondues, la France importe un peu plus de 100 000 tonnes de crevettes dont 10 % de crevettes nordiques (incluant 5 % de crevettes nordiques congelées, 5 % de crevettes en saumure ou grises cuites réfrigérées), 85 % de Penaeus congelées et 5 % d’autres crevettes hors eau froide.

Cette relance de la consommation vient en porte-à-faux avec les recommandations des associations... Lors des Etats Généraux de l'Alimentation (EGA), le WWF a invité les français à manger moins de produits de la mer et à les choisir plus durables, https://www.wwf.fr/agir-au-quotiden/modifier-comportements/alimentation

La croissance de la crevetticulture aux quatre coins tropicaux de la planète et la recherche de devises à n'importe quel prix laissent des traces dans les pays du Sud  ! Destruction de mangrove et salinisation des zones côtières,... Pêcheries pélagiques sous pression de la fabrication de farine de poisson... Fragilisation des communautés côtières... Dans nombre de pays, les populations locales ne tirent aucun bénéfice de cette crevetticulture qui s'appuie le plus souvent sur le dumping social... Un moindre coût de production dans les pays du Sud pour un meilleur pouvoir d'achat dans les pays du Nord...

Dans le monde, près de deux milliards de personnes dépendent du poisson comme source de protéines animales... « Pour 800 millions de personnes, habitant pour l'essentiel dans les pays en développement, le poisson est à la fois une source de nourriture et de revenus pour la famille. Malgré tout, à l’échelle mondiale, plus de la moitié des poissons consommés proviennent de ces pays... Revenir à une pêche durable, responsable et surtout locale devient crucial pour nos océans comme pour les pêcheurs », explique le WWF. Néanmoins, cette onge n'est pas sans contradiction. Sa politique de labellisation des pêcheries (MSC) et des élevages aquacoles (ASC) partout dans le monde s'inscrit non pas dans la relocalisation des marchés et une limitation de la consommation de produits importés mais bien dans une volonté de sécurisation voire de contrôle des filières par les grands groupes agro-halio-alimentaires depuis les régions de pêche et d'aquaculture jusqu'aux grands pôles de consommation... https://www.wwf.fr/projets/consoguide-poisson-ou-comment-consommer-du-poisson-differemment

Revenir à une consommation locale dans nos pays devient crucial... Pour la sécurité alimentaire des populations au Sud et la survie des producteurs au Nord... Crevette tropicale ! Et pourquoi pas bouquet, crevette grise, gambas des marais charentais... et surtout langoustine du Golfe de Gascogne, une pêcherie qui fait vivre des centaines de pêcheurs français depuis le pays bigouden jusqu'en Charente-Maritime...

Des cuiseurs à la consommation de masse de crevettes tropicales en France

« La consommation de crevettes a réellement décollé à la fin des années 80 avec le développement des élevages de crevettes : cette offre plus stable en volume et prix a permis l’émergence du métier de cuiseur. Et la cuisson levait probablement un frein important à la consommation de crevette en proposant un produit prêt à l’emploi, ni trop cuit ni trop fade, sur un segment qui jouissait d’une très bonne image et d’un prix élevé. »



Selon les chiffres des Douanes françaises, notre pays a importé dans l'année 2017, une quantité de 81 527 tonnes de crevettes tropicales (genre Penaeus), essentiellement d'élevage, et d'une valeur de 640 millions d'euros (soit 85% de toutes les crevettes importées d'un total de 95 280 tonnes et de 735 millions d'euros). La crevette tropicale fait bien partie des produits de consommation de masse... En comparaison, notre pays a importé 503 millions d'euros de banane soit moins de 140 millions d'euros que de crevette tropicale... Cette consommation de masse s'appuie sur une chaîne bien huilée, d'un côté, la crevetticulture en plein boom dans les pays du Sud et de l'autre, le rayon marée (ou la poissonnerie) des hypermarchés, friand de produits d'appel. Avec comme intermédiaires déterminants, les cuiseurs qui transforment les crevettes tropicales importées crues et congelées...

Une dizaine de cuiseurs se partage des marges importantes !

En France, les crevettes tropicales sont donc principalement importées crues et congelées pour être cuites sur place à proximité des lieux de consommation. La part de crevettes vendues crues et congelées, voire plus rarement cuites et congelées, dans les importations est modeste.

Les cuiseurs qui préparent les crevettes cuites réfrigérées vendues sur les étals, occupent un rôle central dans la filière en transformant les 2/3 des crevettes tropicales importées, avec environ 50.000 tonnes de crevettes cuites chaque année :
• Trois entreprises produisent plus de 60 % des crevettes transformées
• Deux entreprises « moyennes » produisent 20 % des tonnages
• Six ou sept autres entreprises réalisent au total 20 % des tonnages.



« Au-delà des tonnages, les entreprises ont aussi des différences significatives dans les métiers, certaines ayant très largement développé les produits élaborés (produits décortiqués en couronne ou en sauce, petits conditionnements…), d’autres réalisant essentiellement une cuisson, vendant en caissettes pour les rayons traditionnels des supermarchés. »

« C’est un secteur assez dynamique avec un chiffre d’affaires et une valeur ajoutée dont la croissance est significativement plus rapide que pour la moyenne de l’agro-alimentaire ; sa rentabilité est plus élevée malgré des charges financières plus lourdes que la moyenne des industries agro-alimentaires. »

Les GMS représentent « le circuit le plus important pour la distribution des crevettes cuites réfrigérées sur le marché français : le rayon marée, représente environ 60 % des ventes des GMS, essentiellement des crevettes cuites réfrigérées (< 5 % de crevettes crues décongelées), dont 30 à 40% en promotion (environ 20 % en promotion communiquée). Ce sont en général des crevettes entières. Il s’agit d’un produit d’appel pour faire venir les clients ; c’est le 3ème produit du rayon poissonnerie traditionnelle. Il y a en général 2 à 3 références, sauf en période de fête ou en été (grosses crevettes pour le BBQ, par exemple), périodes pendant lesquelles il peut y avoir jusqu’à 5 à 6 références... »


« Les GMS n’attachent pas actuellement une grande importance à l’origine des crevettes (tropicales essentiellement issues de l'élevage ndlr) car ils estiment que ce n’est pas un critère de choix pour les consommateurs, sauf l’origine Madagascar (qualité, goût, texture, avec un prix de vente très supérieur). Néanmoins, certaines crises médiatiques (liées au travail des enfants, à la protection de l’environnement) les ont conduits à éviter certaines origines (Thaïlande par exemple). Les crevettes d’origine française (France ou DOM/TOM sont peu présentes, car peu disponibles ou de qualité discutable (Guyane) ou trop chères (Calédonie par exemple). »

Success-story de la crevetticulture vietnamienne

Dans les pays latino-américains (notamment en Equateur), la crevetticulture s'appuie sur des fermes de plusieurs milliers d'hectares chacune, alors qu'en Asie du Sud-Est (et tout particulièrement au Vietnam), l'élevage de crevettes se développe principalement à partir d'un réseau de plusieurs dizaines de milliers de petits producteurs...

Entre 2010 et 2015, la production vietnamienne de crevettes d'élevage est passée de 312 000 tonnes à 541.000 tonnes dont 318 000 tonnes de crevette à pattes blanches (P. vannamei) et 223 000 tonnes de crevette géante tigrée (P. monodon) (1). Aujourd'hui, on parle de plus d'un million de tonnes selon plusieurs reportages diffusés ces deux derniers et qui témoignent d'un véritable success-story de la crevetticulture à la vietnamienne !

Voyage au pays de la crevette high-tech élevée dans le delta du Mékong

« Vu Duc Tri récite vite, aussi vite que défilent, dans son dos, les chiffres de l’entreprise. Sur l’écran déployé derrière lui, courbes et camemberts s’enchaînent au rythme d’un exposé que le représentant de la compagnie Viet Uc maîtrise sur le bout des doigts. La trentaine, le costume noir et le sourire omniprésent, l’ingénieur parle bilan de production et perspectives de marché. Dans l’air réfrigéré de la salle de conférences, il décortique la stratégie du groupe, jusqu’à son ultime dessein. « Ce que nous visons, c’est la crevette parfaite », s’enthousiasme-t-il devant une poignée de journalistes et de représentants du ministère de l’Agriculture vietnamien. « Nous voulons que le pays devienne une référence mondiale, poursuit-il. De même que les consommateurs sont prêts à payer plus cher la technologie japonaise, nous voulons qu’ils soient prêts à acheter au prix fort la crevette vietnamienne. »

« Une crevette high-tech, dont les larves génétiquement sélectionnées sont écloses ici même, à Nha Mat, au sud du Vietnam, dans les piscines thermorégulées de la Viet Uc, leader national du secteur. Ou, plus globalement, une crevette haut de gamme, voire bio, sur laquelle mise aujourd’hui le pays pour charmer le consommateur, et tout singulièrement le consommateur européen. »(4)

Vietnam : la crevette, trésor du Mékong


« L’industrie de la crevette a transformé plusieurs régions : le rapport est tel que les motos y ont remplacé les vélos, des routes sont arrivées, tout cela grâce à la multiplication des bassins. Certes, l’environnement a pris un coup de vieux, les mangroves étant impactées par l’aménagement des fermes à crevettes. C’est le cas du delta du Mékong. Inversement, la production de riz périclite : elle rapporte moins et on s’y casse plus sûrement le dos. »

En réalité, c'est par la force des choses que les paysans, producteurs de riz, sont devenus petit à petit éleveurs de crevettes.

« Le delta du Mékong, à l’extrême sud du Vietnam est le bol de riz des Vietnamiens. Mais la montée du niveau de la mer touche les rizières et contraint les agriculteurs à changer de modèle économique en transformant les rizières en élevage de crevettes ! Nous sommes dans une région agricole qui nourrit en riz le Vietnam et une quarantaine de pays. Chaque année, plus de 25 millions de tonnes y sont produites. M. Tho dirige une coopérative d’une cinquantaine d'agriculteurs dans le delta. Autrefois, il ne vivait que du riz. Peu à peu, il s'est mis à la crevette. Sur ses 90 hectares, il n y a plus que 20 % de riz, tout le reste est réservé à de l’élevage de crevettes. « Avant 2002, tous les champs qui sont autour de nous étaient des rizières. Après 2002, à cause du changement climatique et de la montée du niveau de la mer, l’eau est devenue salée. Au moment de la récolte, on a constaté que la qualité des grains de riz s'était dégradée, le riz était moins bon. Cela nous a posé des problèmes. C'est à cause de ça que nous avons décidé d’arrêter de planter du riz les saisons suivantes. On a changé pour de l'élevage de crevettes. » (3)

Au Vietnam, la crevette, bonne fortune des riziculteurs


Appâtés par le gain, beaucoup de petits paysans se sont mis à l'élevage de la crevette en abandonnant du même coup la culture traditionnelle du riz : « Ils ont été influencés par des conseillers aquacoles qui n'étaient autre que des vendeurs d'aliments artificiels, de produits dits zoo-sanitaires et d'antibiotiques ».(5)

C'est ainsi que de grands groupes vietnamiens appuyés de l'étranger accompagnent ou plutôt incitent les paysans à se reconvertir dans la crevetticulture. La société Tap Doan Viet-Uc qui contrôle toute la chaîne de production, peut fournir à ces petits paysans, larves de crevettes sélectionnées et aliment aquacole... Un autre groupe, Minh Phu est le « premier exportateur national en termes de chiffre d’affaires. De ses chaînes de transformation sortiront 55 000 tonnes de crevettes cette année, lesquelles lui rapporteront près de 600 millions d’euros. Gros employeur – 14 000 personnes travaillent dans ses usines –, il entend s’imposer comme un acteur incontournable et invite les petits producteurs à passer contrat avec lui. « Nous leur fournissons larves de crevette et aides techniques pour développer une production biologique et naturelle », explique Le Van Quang, son PDG... Cinquante mille éleveurs ont déjà franchi le pas, dont Thai Hoang Nat, lequel assure y trouver son compte. « Avant, le prix auquel nous vendions nos crevettes dépendait de la demande, les intermédiaires s’entendaient entre eux pour le faire baisser », raconte le producteur. « Aujourd’hui, je vends la Black Tiger à 10 euros le kilo. » Un très bon tarif, qui lui assure un revenu mensuel de plus de 800 euros, dans une province où le Smic ne dépasse pas les 110 euros par mois. » (4)

Les gouvernements de ces pays en développement ont vu dans cette activité aquacole tournée vers l'exportation une véritable pompe à devises et ont été soutenus par des instances internationales comme la FAO et la Banque Mondiale. L’Union européenne n’est pas en reste, et elle contribue à développer cette industrie crevetticole au Vietnam. En 2016, l’UE a ainsi financé une chaîne de développement durable qui concerne 25 000 ouvriers dans trois provinces. Le prêt de 2,5 millions d’euros a permis à des petits producteurs de se lancer dans cette culture profitable. Par ailleurs, les grands groupes mondiaux de l'alimentation aquacole s'installent au Vietnam : Cargill, Nutreco,...




Le delta du Mékong vietnamien qui est l’une des régions les plus productives sur le plan agricole et qui revêt une importance mondiale pour ses exportations de riz, de crevettes et de fruits, vit sous la menace environnementale. « Les 18 millions d’habitants de ce delta de basse altitude sont parmi les plus vulnérables au changement climatique. Au cours des dix dernières années, environ 1,7 million de personnes ont émigré de ces vastes étendues de champs, de rivières et de canaux, alors que 700 000 seulement y sont arrivées... Le taux de migration net depuis les provinces du delta du Mékong est plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale, et même plus élevé dans les zones les plus vulnérables au climat... Les gouvernements et les communautés locales dans les pays en voie de développement ont déjà mis en place des mesures d’adaptation pour faire face aux effets du changement climatique... » Des scientifiques qui ont mené des études au Vietnam, mettent en garde sur la façon dont cette adaptation est parfois conduite dans ce pays.(6)

Plutôt que se préparer aux changements climatiques, les paysans s'engouffrent dans des modèles de développement non soutenable pour eux, mais qui sont portés par les autorités car à court terme, il s'agit de faire rentrer des devises....

Les revers de la médaille : destruction de la mangrove et salinisation des zones côtières

La crevetticulture mal gérée peut avoir des conséquences désastreuses sur l'environnement. Pour construire des bassins d'élevage, d'immenses zones de mangroves ont été détruites. Ces zones de bord de mer, riches en végétation, en plus d'être capitales pour éviter l'érosion des côtes, servent de réserve pour la biodiversité. Autres problèmes, celui de la salinisation des nappes phréatiques et des terres agricoles et celui de la pollution des eaux côtières suite aux rejets de boues par les fermes d'élevage. Sans oublier l'utilisation massive d'antibiotiques pour lutter contre les maladies dévastatrices pour les élevages. Comme l'explique Denis Bailly : « Les crevettes produites en élevages intensifs produisent des volumes très importants de matières organiques qui, en se dégradant, modifient totalement l'écosystème. « Par ailleurs, la dissémination d'antibiotiques dans le milieu naturel est inquiétant parce que nous ne connaissons pas leur impact sur les espèces naturelles ».(5)



L'expansion de l'aquaculture au cours des deux dernières décennies a été le principal moteur de la perte de mangrove, indique une étude publiée en juin 2017 dans PLOSOne : Distribution and drivers of global mangrove forest change, 1996–2010 (7)

L'étude, menée par une équipe de scientifiques de Global Mangrove Watch (GMW), a permis de cartographier la distribution et les changements des écosystèmes de mangroves dans le monde entre 1996 et 2010 en utilisant l'imagerie satellitaire. L'équipe a analysé 1 168 zones de mangrove en Amérique du Nord, centrale et du Sud, en Afrique, au Moyen-Orient, en Inde et en Asie du Sud-Est.

« Les mangroves ont subi des pertes importantes au cours de la dernière décennie, principalement en raison de l'augmentation des populations côtières et de la conversion des mangroves en bassins d'aquaculture... L'Asie du Sud-Est, qui abrite 33,8% des mangroves du monde et 90% de l'aquaculture mondiale, a été la région la plus touchée par la dégradation de la moitié de ses mangroves. »(8)

« En seulement deux décennies, la crevette a radicalement changé le paysage du Delta du Mékong. Ce qui était autrefois des rizières gagnées sur les forêts de mangrove, cèdent maintenant la place à des milliers et des milliers de bassins d'élevages de crevettes intensifs. Le paysage est austère et nu, et les étangs ressemblent à des nids de poule géants en train de cuire sous le soleil de l'après-midi. Dans de nombreuses zones, il est difficile de voir de la mangrove. »(9)

« Il ne fait aucun doute que le boom de la crevette a apporté la prospérité. Le Vietnam est devenu l'un des principaux exportateurs de crevettes au monde. Et ces étangs, qui étaient autrefois considérés comme des zones de mangrove improductives, ont permis aux agriculteurs de construire des maisons en béton et d'acheter de nouvelles voitures. Mais les experts craignent que cette prospérité, en plus d'être éphémère, ait un prix élevé.

Le delta du Mékong est un exemple extrême de la disparition rapide des forêts de mangrove sur les côtes toujours vulnérables du monde. En 2007, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture estimait qu'au Vietnam, les mangroves étaient passées de 400 000 hectares en 1950 à 157 000 hectares en 2005. Étude réalisée à Tra Vinh, une des provinces du delta du Mékong au Viet Nam et important producteur de crevettes , a estimé le taux de destruction des mangroves à 13,1% par an entre 1995 et 2001, contre 0,2% par an entre 1965 et 1995. L'augmentation drastique de la déforestation est attribuée à l'élevage de crevettes. » (9)

En Inde, des exportations en forte croissance, mais aussi des impacts environnementaux

Les exportations indiennes de crevettes devraient dépasser 550 000 tonnes au cours de l’année fiscale 2018 (avril 2017-mars 2018), soit 30% de plus qu’en 2017. Cette hausse est due à une demande croissante sur le marché international, même si certains pays comme le Koweït ou la Thaïlande ont fermé leur porte aux crevettes indiennes. Après une hausse des exportations de 19% en volume au cours de l’année fiscale 2017, et de 25% en valeur (atteignant 3,84 milliards de dollars), la tendance à la hausse s’est poursuivie en année fiscale 2018 et l’Inde représente actuellement 35% du commerce mondial de crevettes surgelées... (10)

Au Sud-Est de l'Inde dans l'Etat du Tamil Nadu, l'élevage de crevette est en plein essor- mais il cause la pollution de l'eau et du sol... Les villageois, des militants se sont rassemblés pour protester contre la forte teneur en sel dans les eaux souterraines qui les rend inutilisables, en violation des lois forestières.

« Il faisait presque nuit au village de Killai dans le district côtier de Cuddalore, au Tamil Nadu, par une chaude journée d'été. Dans un champ aride bordé de cocotiers et de palmiers dattiers, la musique folklorique tamoule sortait de deux haut-parleurs attachés à un poteau électrique. Dans une lente procession, des hommes et des femmes de tout âge ont marché lentement dans le champ nu où une estrade était posée, portant une bannière rouge avec les mots « Iraal Pannaigal Edhurpu Manadu ». (Une réunion pour s'opposer à l'élevage de crevettes).

Les villageois étaient des habitants de 15 villages autour de Killai qui se plaignaient que l'aquaculture de crevettes avait rendu leur nappe phréatique salée au cours des 15 dernières années et qu'elle avait rendu toutes leurs sources d'eau potable inutilisables. Le sol de ces villages était devenu si salé que l'arachide et le riz, autrefois récoltés en abondance, ne poussent plus. Les trous d'eau naturels, d'où sortait l'eau douce potable, sont devenus des sources d'eau salée.

Pire, les forêts luxuriantes de palétuviers de Pichavaram qui guident les eaux dormantes près de Killai - une attraction touristique populaire - meurent lentement à cause des déchets chimiques provenant des fermes de crevettes.

« Au début, nous pensions que les fermes de crevettes contribueraient au développement de notre village et nous donneraient des emplois », a déclaré N Ravichandran, un agriculteur du village de Radhavilagam. « Ce n'est que bien plus tard que nous avons réalisé que nos sources d'eau potable étaient polluées. » (11)

L'histoire de la salinisation des zones côtières se répètent au Bangladesh... (12)

La crevette est rapidement devenue l'une des sources de revenus les plus importantes du Bangladesh. Pour maximiser leurs profits, les grands fermiers ont forcé les petits paysans à convertir leurs champs d'eau douce (rizière) en fermes à crevettes. La salinité s'infiltrait alors toujours plus à l'intérieur des terres.

Cela a nuit à la diversité de la faune et de la flore, explique Dilip Datta, professeur de sciences de l'environnement à l'université de Khulna. « Avant, vous auriez pu trouver plus de 10 variétés différentes de poissons d'eau douce, mais maintenant vous ne pouvez en trouver que deux ou trois dans certaines régions. »

Cela a également eu un impact notable sur la sécurité alimentaire. Le Dr Mohammad Iqbal est un médecin, spécialiste de la santé publique qui travaille dans le district côtier de Chakaria, dans le sud-est du pays, depuis près de 20 ans. Il a observé l'impact dévastateur de la culture de la crevette.

Les agriculteurs, dit-il, avaient l'habitude de cultiver des fruits et légumes et d'élever du bétail et des volailles. Mais maintenant, ils dépendent complètement du marché pour nourrir leurs familles. « Les magasins stockent des produits non périssables, des féculents comme les pommes de terre, le riz et les lentilles », poursuit Iqbal. « Mais de nombreuses familles ne reçoivent plus les compléments nutritifs apportés par les légumes verts. De plus, le lait et les œufs sont presque toujours absents. »(12)

Philippe Favrelière

(1) Etude de cas : La pêche au Vietnam – Eumofa - Faits saillants du mois n°6-2017

(2) Vietnam : la crevette, trésor du Mékong

(3) Changement climatique : l'élevage de crevettes envahit le Mékong, au sud du Vietnam

(4) Aquaculture. Quand la crevette vietnamienne drague l’Europe

(5) Une vie de crevette !

(6) Réfugiés climatiques : cette crise qui couve au Vietnam

(7) Distribution and drivers of global mangrove forest change, 1996–2010

(8) Aquaculture is main driver of mangrove lossesuaculture has proved to be worst enemy of mangroves worldwide

(9) Shrimp Farming: Problem or Solution?

(10) Inde - Exportations de crevettes en forte croissance

(11) Shrimp farming is booming in Tamil Nadu – but it is causing water and soil pollution

(12)The Bangladesh shrimp farmers facing life on the edge

Crevette tropicale : « Un recul constructif... » de Jean-François Le Bitoux

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A la fin de l'année 1980, l'équipe Semacua (avec au centre le français Olivier Avalle) fête la production de 53 millions de post-larves de crevette en 6 mois... Une première mondiale ! (Photo de Jean-François Le Bitoux)

Jean-François Le Bitoux est un pionnier de la crevetticulture en Equateur. Il fait partie de ces jeunes diplômés français, spécialistes en aquaculture, qui dans les années 1980 et 1990 ont essaimé leurs connaissances en pisciculture, en crevetticulture, en écloserie,... à travers le monde et tout particulièrement en Amérique Latine (Equateur, Colombie, Mexique, Chili,...), en Asie du Sud-Est (Indonésie, Vietnam,...)... Formés en France pays à la pointe de la recherche aquacole et où l'aquaculture dite « nouvelle » est restée à l'état embryonnaire, tous ces jeunes vingtenaires et trentenaires ont contribué à l'explosion de l'aquaculture mondiale. 

Réponse de Jean-François Le Bitoux à l'article : Crevette, un plaisir au goût amer ! 

Comme j'assume avec fierté être un pionnier de cette activité (d'élevage de crevette ndlr), je pourrais déconstruire beaucoup d'arguments "superficiels". Il suffit de changer de cadre de lecture pour donner un autre sens à bien des observations - c'est vrai dans tous les domaines, cela n'en fait pas des "fake-news" pour autant, seulement un recul constructif !

Il y a eu des échecs et je sais de quoi je parle mais cela vaut la peine d'en tirer quelques enseignements... si cela intéresse quiconque, ce qui reste à démontrer car l'Administration/bureaucratie ne fait jamais cette hypothèse de travail : elle ne se trompe jamais, elle !

En 1980, la France était dans le Top 10 de l'aquaculture mondiale... 3 décennies plus tard, la France a rétrogradé au 25e rang mondial (206 000 tonnes pour 817 millions $ en 2015) alors que l'Equateur se place au 15e rang (426 000 tonnes pour 2,3 milliards $ en 2015)

Parmi les mauvais exemples rapportés, il y a depuis les années 90, celui de la destruction des mangroves "protectrices". Je te rassure la mangrove repousse dès que tu as le dos tourné, sauf si tu as bétonné, évidemment.
Protectrices de qui ? de quoi ? Effectivement là où la mangrove est rare, la détruire est catastrophique pour les terres basses accumulées derrière : c'est la géologie qui dessine une côte. Car une mangrove se construit sur la limite eau douce/eau de mer. Donc là où il y a peu d'eau douce, il y a peu de mangroves. Les cartes présentées sont donc abusives car la répartition des mangroves dans le monde est très inégale et les couleurs rouges ou vertes ont peu de significations réelles !
Une télé tournée en Equateur montrait le "pauvre pêcheur de crabes" qui ne pouvait plus avoir accès à quelques lieux traditionnels sous peine de détruire les digues des camaroneras (fermes de crevette ndlr) : en fait ce pêcheur suivait les autoroutes construites par les camaroneras au lieu de pénétrer dans cette "jungle" naturelle difficile d'accès. Et le reportage ne disait rien des centaines de postes de travail que cette industrie a créé en une dizaine d'années, probablement pour ses propres enfants.

En Equateur, il y a près de 210 000 hectares de bassins destinés à l'élevage de crevette... répartis entre des fermes de plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'ha chacune... Sur ces images Google Earth, chaque bassin a une surface moyenne de 10 ha...

Détail qui m'importe, en ce qui concerne les prix d'achat à la ferme, ce sont bien les fermiers qui tirent profit des prix à la pêche : je ne crois pas qu'il y ait d'autres éleveurs qui s'en tirent aussi bien. Et ils sont payés dans la semaine pas à 3 mois comme en France - je sais aussi de quoi je parle ! Un détail important : quand les éleveurs ont "progressés", ils ont produit des crevettes plus grosses... et les prix ont suivi ! Quand vous trouvez au supermarché des crevettes de moins de 10 g cela signifie qu'elles ont été pêchées plus jeunes car l'éleveur craignait des mortalités !

Il est vrai qu'il y a eu des ratés mais gérer un écosystème aquatique demande des connaissances et un savoir-faire, bref une expérience de terrain qui ne se trouve pas dans des bureaux... L'approche anthropologique du succès équatorien, de la transmission de ce savoir-faire d'un pays à un autre en moins de 30 ans est en soi un résultat étonnant - que l'on doit essentiellement à nos amis équatoriens même si les capitaux gringos ont construit cette voie "capitaliste" !
La construction du succès équatorien est aussi né du fait qu'il fut possible de construire de manière indépendante la congélation et l'exportation (à partir de la pêche), les fermes (à partir de juvéniles sauvages), l'écloserie (1980) puis la logistique (pompes, aliments, etc...) : il est difficile de rentabiliser toutes ces étapes en une seule fois ailleurs (cf... Nouvelle Calédonie).
Il a fallu l'Etat pour le faire en Chine ou au Vietnam et il y a fallu également passer de l'extensif à l'intensif, nettement plus délicat à gérer. Il y a aussi une dimension qu'il est difficile à prendre en compte c'est l'importance de la circulation des informations sur le terrain : la recherche peut difficilement en prendre conscience. Mais c'est une autre histoire.

Tout cela sera un jour utile pour corriger les déboires chroniques des aquacultures françaises, ostréiculture, mytiliculture, crevetticulture en Nouvelle Calédonie,...) Mais pour l'heure, il ne semble pas que quiconque y prête attention : ça peut donc durer encore longtemps. L'étrange défait des 30 ou 40 piteuses (cf. Marc Bloch) s'explique ainsi : gérer l'estran demande un véritable investissement de terrain ! Comme a priori tout y est interdit mais parfois toléré, le cadre juridique est des plus flous. Ce qui n'encouragera personne à y faire quoi que ce soit puisque c'est d'abord interdit mais "on peut s'arranger" ? "

Jean-Francois Le Bitoux

Autres articles :

Des étangs de Brenne convoités par des chinois...

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La carpe et les carpillons d'Armand Rapeno à vendre sur ebay

L'accaparement des terres agricoles n'est pas l'apanage des pays du Sud ; il concerne aussi les pays du Nord, notamment la France...

Des chinois achètent des vignobles français, d'autres transforment du lait au cœur de la Bretagne ou encore acquièrent des terres céréalières parmi les meilleures de l'hexagone... Tout le monde le sait maintenant, les chinois apprécient de plus en plus les huîtres à la française... A notre connaissance, aucun domaine ostréicole français n'est passé à ce jour dans le giron de l'Empire du milieu... Les concessions ostréicoles relèvent du domaine de l'État (domaine public maritime). Jusqu'à quand ? Le DPM est dorénavant accessible à tout citoyen européen... qu'en adviendra-t-il dans le futur avec les accords commerciaux de nouvelle génération... Lors du Grenelle de la mer, l'un des enjeux identifiés pour le DPM était de « faire face » (...) à la « tentation croissante de privatisation du domaine public maritime ».

Des carpes chinoises au pays de la magie noire !

A l'intérieur des terres, marais, étangs et autres marécages se négocient librement... En Chine, les plans d'eau vivent avec et sous la menace des pollutions les plus diverses... Aujourd'hui, les éleveurs de carpes n'arrivent plus à proposer à leurs clients millionnaires la fameuse carpe impériale... Cette carpe originelle élevée depuis des millénaires selon la tradition ancestrale transcrite par Fan-Li au Ve siècle avant Jésus Christ, dans des eaux sans pesticides, sans nanoparticules, sans hormones, sans substances endocriniennes,... Plusieurs siècles après, le poisson du vendredi avait poussé les moines à creuser des étangs piscicoles un peu partout en France (4)... Depuis, les églises se sont vidées, les étangs abandonnés à la rapacité des hérons et des cormorans... Une lueur d'espoir... Dans le centre de la France, au milieu de dizaines d'étangs en friche et éloignés de toute activité humaine, des chinois auraient été signalés... 

 Des étangs de Brenne (Google Earth)

Au pays de la magie noire, les rare habitants qui vivent dans les villages savent qu'il n'y a que les étrangers à s'aventurer sur les chemins boueux un jour de pluie en hiver à la nuit tombante... Comme le rapporte le Courrier du Berry dans un encart : « Des étangs de Brenne convoités par des chinois – Vendredi dernier, dans la soirée, trois chinois accompagnés d'une traductrice ont frappé à la porte de Paul Duchemin au Theil, un hameau au bout de la route qui mène au cœur des étangs de Brenne. Paul, un jeune désoeuvré qui vit depuis peu dans le village, a expliqué à notre correspondant que ces chinois voulaient acheter des étangs piscicoles, beaucoup d'étangs dans le but d'élever des carpes impériales. Ils sont prêt à payer le prix fort ! Paul Duchemin demande à tous les propriétaires intéressés de prendre contact avec lui par l'intermédiaire du journal.... » (Courrier du Berry, le mardi 20 février 2018)

Dans ces régions reculées, il y a encore des zones naturelles et vierges idéales à l'élevage de cette carpe originelle tant appréciée au moment du nouvel an chinois... La Chine a déjà des projets aquacoles en Polynésie française... Mais la révolution bleue se fait toujours attendre en métropole, viendra-t-elle par la voie royale de la carpe impériale ? L'avenir nous le dira ! À moins qu'une sorcière du Berry ne sévisse une nouvelle fois et ne jette un mauvais sort sur l'aquaculture française ! Rappelez-vous ce milliardaire chinois qui a péri dans un crash aérien alors qu'il survolait son domaine viticole nouvellement acquis (5)... Pourtant y'a pas de sorcière dans le bordelais mais il s'agissait d'un cru d'exception réservé aux carpes impériales du nouvel an chinois ! 

 Poster chinois : petit garçon sur le dos d'une carpe (Nouvel An 1989)

Des agriculteurs préoccupés par l'accaparement des terres agricoles en France

L’accaparement agricole est un phénomène très préoccupant. Qu’il soit le fait de l’urbanisation (tels les projets régionaux de l’A45 ou le Center Park du Roybon dans l'Isère) ou de l’achat de parcelles par des grands groupes, il prive les paysans de terres et de la possibilité de s’installer.

La Confédération paysanne s’apprête à lancer une grande campagne contre l’accaparement des terres agricoles et la financiarisation de l’agriculture. Elle réclame une réforme efficace des Safers, ces établissements publics chargés de gérer l’aménagement des espaces ruraux. Ces sociétés doivent être mieux armées pour lutter contre l’arrivée de grands groupes chinois ou d’acteurs extérieurs au monde agricole. Emmanuel Macron lors de ses vœux au monde agricole a promis une loi sur le foncier dans l’année. Le député (PS) de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier est en charge de la préparer.

En Afrique, accaparement des terres depuis la crise alimentaire de 2008

La cession massive des terres à des investisseurs nationaux ou étrangers est apparu en Afrique au sud du Sahara après la crise alimentaire de 2008, explique Francis NGang, secrétaire général de l'Institut africain pour le développement économique et social (Inades). Alors que l'Afrique est, selon la Banque mondiale, le continent au plus grand potentiel agricole inexploité, des millions d'hectares de terres ont ainsi été cédés, au détriment des populations locales.

Les grands perdants de ces cessions massives sont les femmes, premières productrices de produits vivriers qui ne trouvent plus de terres cultivables, selon l'Inades, une institution panafricaine spécialisée dans les questions foncières. L'absence de loi protégeant les occupants de fait ou traditionnels a parfois permis l'expropriation de communautés entières de leurs terres, déplore Wafa Essahli, consultante chargée du développement rural et de la gestion des ressources naturelles de la Communauté des Etats sahélo-sahariens. Le véritable défi à relever est celui de la gouvernance des terres sur un continent où "peu de pays disposent d'une politique claire qui protège et sécurise ces espaces" ruraux, estime-t-elle. Mais pour le Malien Ibrahima Coulibaly, la première chose à faire est "de reconnaître que les communautés ont des droits sur les terres qu'elles occupent depuis des générations. Il faut inscrire cela dans des lois qui sont votées par les parlements".

L'Afrique doit absolument élaborer une gouvernance foncière pour éviter l'accaparement des terres par de grands groupes étrangers qui génère pauvreté et conflits selon divers experts en politique foncière régionale.

En Chine, le droit de cultiver la terre est "sécurisé"

Alors que des groupes chinois achètent des terres à l'étranger, les autorités chinoises soutiennent leurs paysans par le renouvellement des contrats fonciers...

En octobre 2017, lors du 19ème Congrès du Parti communiste chinois, une annonce a retenu l’attention dans le domaine agricole : le renouvellement pour 30 ans supplémentaires des contrats fonciers actuels, qui vient lever une interrogation persistante sur la stabilité de la propriété et de l’usage des terres agricoles en Chine. Un signal fort pour l’investissement dans l’agriculture.

Au début des années 1980, la fin de la collectivisation a laissé place au système de responsabilité des ménages, au sein duquel les droits fonciers sur les terres rurales ont été scindés en deux : le droit de propriété dont jouit collectivement une communauté rurale, généralement un village, et le droit d’utilisation, détenu par un ménage individuel qui souscrit un contrat portant sur un lopin de terre. Ce dernier possède ainsi le droit de cultiver la terre et d’utiliser les fruits de son travail. La durée des premiers contrats était de 15 ans dans les années 80, et leur renouvellement dans les années 90 avait allongé la durée à 30 ans. L’annonce faite en octobre dernier garantit une stabilité du droit foncier jusque dans les années 2050 et doit ainsi permettre le développement d’investissements et de projets à long terme dans l’agriculture.

Ce prolongement des contrats s’inscrit dans une série de mesures foncières destinées à créer les conditions optimales pour la modernisation de l’agriculture chinoise, sans toucher au dogme de la propriété collective. Il s’agit de limiter l’insécurité foncière et encourager le transfert des droits d’utilisation des terres pour augmenter les revenus des agriculteurs et au final, d’assurer la stabilité sociale et la sécurité alimentaire du pays....

La taille moyenne des quelque 200 millions d’exploitations serait de 0,6 hectare en 2013, toujours très loin des moyennes en France, 55 hectares, ou encore aux États-Unis, 175 hectares.

Philippe Favrelière (Pure fiction ? "Des carpes chinoises au pays de la magie noire !")




Des terres agricoles rachetées par un mystérieux groupe chinois dans le Berry

Dans l'Allier, l'achat de 900 hectares de terres par un Chinois fait grincer des dents


La carpe du Nouvel An chinois


Berry et sorcellerie

(4) Aux marges du Berry, la Brenne était une zone marécageuse infertile. Ne sachant qu'y faire pousser, les moines, au xiie siècle, eurent l'idée d'y emprisonner les eaux et de créer de longs chapelets d'étangs. C'est l'aspect le plus frappant du paysage tel qu'on le voit aujourd'hui. Le parc naturel régional de la Brenne fut créé le 22 décembre 19891, à la suite d'une forte mobilisation des élus et acteurs locaux voulant réagir contre la dévitalisation de leur territoire. Il a été classée Ramsar en 1991. Le premier renouvellement a eu lieu le 10 septembre 19981, puis le deuxième le 1er septembre 20101. Source : Wikipedia


Bordelais : un milliardaire chinois périt dans le crash d'un hélicoptère

Poster chinois : petit garçon sur le dos d'une carpe (1989)


Sécurité alimentaire: l'Afrique doit se doter d'une gouvernance foncière pour protéger ses terres

Chine : le droit de cultiver la terre "sécurisé" par le renouvellement des contrats fonciers

Pectiniculture. En Chine, le « Grand Bond en avant », c’est maintenant !

Femmes dans la pêche : plus d’espace pour participer aux processus de prise de décisions !

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« Nous estimons que la parité entre les sexes et les droits des femmes jouent un rôle crucial, non seulement dans la démocratisation de nos communautés, mais aussi dans la façon dont nous abordons la question de la capture, de la transformation et de la commercialisation du poisson. Les femmes doivent avoir plus d’espace pour participer aux processus de prise de décisions, tout en jouissant d’une opportunité égale d’intégration à des postes de leadership dans toutes les organisations membres du Forum mondial des peuples de pêcheurs (WFFP). »

Extrait de la Déclaration adoptée par le congrès du Forum mondial des peuples de pêcheurs (WFFP) à l’issue de son congrès à Delhi, novembre 2017

Nous sommes les océans, nous sommes les eaux, nous sommes le peuple


« Nous, le Forum mondial des peuples de pêcheurs (WFFP), de même que les délégués de nombreuses organisations alliées, dont le Forum Mondial des pêcheurs et travailleurs de la pêche (WFF) et Via Campesina (LVC), nous nous sommes réunis du 15 au 21 novembre, à Delhi en Inde à l’occasion de la 7ième assemblée générale du WFFP. Malgré le rejet condamnable de visas pour un grand nombre de nos camarades et collègues, nous revoilà ici, 20 ans après notre création, forts de nombreuses victoires et mus par le désir de continuer la lutte en faveur des pêcheurs artisanaux.

Femmes transformatrices de poisson dans le port de Kafountine (Casamance - Sénégal)

Nous déclarons unanimement la souveraineté des communautés traditionnelles, tributaires des ressources naturelles, sur les terres, les étendues d’eau et les océans du monde. Ceci, alors que les forces capitalistes du monde entier ont pris le contrôle de nos gouvernements élus exploitant nos ressources naturelles et réduisant au silence tous ceux qui s’y opposent – leaders communautaires, journalistes et militants- sanctionnés par une violente répression orchestrée par les Etats. De plus, les impacts du changement climatique sur nos terres et nos étendues d’eau obligent nos peuples à migrer et à se réfugier ailleurs, dans le contexte d’un marché du travail déjà précaire.

 Pêche des crevettes à Ilha Rasa dans la baie de Guaraqueçaba (Parana - Brésil)

Nous sommes le témoin de luttes collectives à travers le monde, menées par les communautés spoliées ; les femmes luttent pour résister aux efforts déployés pour réduire notre histoire à néant, homogénéiser notre identité et notre culture. Nous nous battons contre les forces néolibérales et les conséquences historiques du colonialisme et du post colonialisme. L’accaparement de nos ressources n’a rien de nouveau. Pourtant l’accaparement des mers, de l’eau et des terres, revêt aujourd’hui de nouvelles formes et trouve de nouvelles justifications. Nous sommes en conflit avec les industries extractives, l’expansion de grands projets d’infrastructure, ainsi que les pêches, l’aquaculture et l’agriculture à forte intensité de capital. Ce sont autant d’éléments connus pour être des facteurs aggravants du changement climatique, ainsi que de lourds pollueurs de notre environnement.

Ouvrière dans un atelier de salaison d'anchois à Necochea (Argentine)

Nous mettons en évidence l’impact que le changement climatique a sur les communautés de pêcheurs, comme premières victimes directement affectées par la montée du niveau de la mer, les inondations, les tempêtes côtières, l’augmentation de la température de l’eau, la perte de la biodiversité aquatique, et les déplacements forcés de population. Nous réalisons la nécessité urgente de développer des stratégies efficaces pour faire face à ces menaces grandissantes. Nous nous opposons à la transformation de nos territoires en sites de conservation « Top down ». C’est un procédé d’accaparement similaire à celui induit par le capitalisme car il empiète sur notre accès et notre contrôle des ressources dont nous dépendons pour notre subsistance. Nous condamnons la mise en œuvre de fausses solutions de reconquêtes de la biodiversité, comme les initiatives de zones de protection marine et de carbone bleu, qui conduisent à l’accaparement des terres, des eaux et des océans. En fin de compte, ces dernières pseudos solutions avalisent, plutôt qu’elles ne remettent en cause, les vrais facteurs du changement climatique et de la destruction de l’environnement. Les impacts de l’accaparement des ressources sont aggravés par les divisions sociales, sexospécifiques, de caste et bien d’autres encore.

Toute la famille pêche la palourde (Japon)

Nous nous opposons à la justification de l’accaparement des ressources présenté comme un « développement durable », une « croissance bleue » ou encore un « embellissement » de nos espaces océaniques, terrestres ou hydriques. Sous couvert de ces objectifs, les Etats facilitent l’accaparement des ressources. Le commerce international et les accords d’investissement, ainsi que les politiques des institutions financières internationales, ont réduit la capacité des Etats à soutenir la majorité des citoyens. En outre, l’évolution vers un multipartenariat a dilué, encore davantage, les responsabilités des Etats, en dissimulant les déséquilibres de pouvoir inhérents à la société néolibérale. De plus, les élites nationales dans les pays du Sud se soustraient à leurs obligations après avoir transformé le rôle de l’Etat par leur alliance avec le capital mondial et national et leur complaisance dans l’accaparement des ressources. En récupérant le langage de certaines demandes communautaires, comme en transformant les droits de la pêche en droits privatifs, les acteurs étatiques et non étatiques, accentuent la dépossession, laissant derrière eux une mer morte et des populations brisées.

Nous devons nous réapproprier le contrôle de l’accès à nos biens communs et à nos ressources naturelles. Une approche fondée sur les droits de l’homme est au cœur de toutes nos actions et de nos activités quotidiennes. C’est le moyen essentiel de protéger nos droits sociaux, politiques, économiques et culturels.

 Dans les parcs à huîtres du bassin de Marennes-Oléron (France)

Nous estimons que la parité entre les sexes et les droits des femmes jouent un rôle crucial, non seulement dans la démocratisation de nos communautés, mais aussi dans la façon dont nous abordons la question de la capture, de la transformation et de la commercialisation du poisson. Les femmes doivent avoir plus d’espace pour participer aux processus de prise de décisions, tout en jouissant d’une opportunité égale d’intégration à des postes de leadership dans toutes les organisations membres du WFFP.

Nous reconnaissons l’importance d’avoir des réglementations et des cadres juridiques solides, qui valorisent la vie des pêcheurs, protègent les communautés de pêcheurs de l’accaparement des terres, des eaux et des mers tout en sécurisant leurs moyens de subsistance, leur contrôle et leur accès aux ressources. Nous nous attachons à établir des relations plus solides avec les autorités locales afin de donner plus d’écho aux pêcheurs dans les politiques concernant leur vie et leur existence. Les Directives sur la pêche artisanale offrent un cadre propice et sont un bon outil pour comprendre comment nos politiques locales et nationales peuvent contribuer à informer et réformer la législation internationale. Nous allons également continuer à travailler pour mettre en œuvre concrètement les Directives sur la pêche artisanale dans nos communautés.

 Séchage des algues à Zamboanga (Philippines)

Nous avons des solutions qui émanent de notre savoir traditionnel et respectent les principes de la souveraineté alimentaire et d’agroécologie. Cela implique que nous nous réapproprions les ressources dont nous dépendons pour notre subsistance et notre alimentation, que nous décidions comment et quelles espèces de poissons nous capturons, à qui nous les vendons et ce que nous mangeons. Les liens avec ces principes sont clairs au niveau de la pêche maritime et continentale.

Nous coexistons et respectons l’environnement naturel. Nos pratiques agroécologiques sont un vecteur puissant pour atteindre la souveraineté alimentaire.

 Ouvrières à l'emballage des crevettes congelées (Java - Indonésie)

Nous percevons très clairement les nombreux points communs entre les problèmes rencontrés par les communautés de pêcheurs, les communautés de paysans et les peuples autochtones –surtout chez les femmes et les jeunes- qui sont des producteurs alimentaires tributaires des ressources naturelles pour leur survie et leurs moyens de subsistance. Nous avons une vision identique sur les façons alternatives de faire progresser notre lutte pour les droits de l’homme. C’est pourquoi, il est crucial de construire des alliances plus solides entre nos communautés et nos mouvements à l’échelle locale, nationale et internationale. Ces alliances nous permettent de créer des liens entre nous, de nous soutenir les uns les autres, de partager nos expériences de luttes et de nous employer collectivement à mettre en œuvre une vision alternative. Plus notre réseau sera vaste, plus nous compterons d’alliés, plus nos voix porteront loin.

Nous sommes les océans, nous sommes les eaux, nous sommes le peuple ».

Par WFFP, WFF et Via Campesina via Collectif Pêche et Développement
et Philippe Favrelière pour les photos

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Bénin : les femmes, maillon incontournable de la pêche artisanale

Sans femmes dans la pêche artisanale africaine, il n’y aurait pas de pêche artisanale viable. Si vous en doutez, suivez ce reportage réalisé au Bénin...



Un reportage de Sandrienne BOKO, journaliste à TVC-Bénin, une télévision privée basée à Cotonou (Bénin) et membre du REJOPRAO.

Ainsi à travers ce reportage, il en ressort que ces femmes sont de véritables amazones dans leur secteur d’activité. En plus de la commercialisation et de la transformation du poisson, elles financent très souvent les pêcheurs pour leur permettre d’aller en mer. Plus de deux milles enregistrées dans le secteur de la pêche artisanale, les femmes du port de pêche de Cotonou font même parfois appel à des pêcheurs étrangers pour accroître leur chiffre d’affaires.

Source : Sipanews

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